La chefferie traditionnelle au Togo est une institution ancestrale qui a traversé les époques, s’adaptant aux changements politiques et sociaux tout en préservant son essence. Son origine et son évolution offrent un aperçu riche de l’histoire togolaise.
I. Des origines précoloniales
La chefferie traditionnelle au Togo remonte à des siècles et s’est enracinée dans le temps dans les royaumes et tribus précoloniaux. Avant l’arrivée des puissances européennes, les sociétés togolaises étaient organisées en chefferies dirigées par des rois, des chefs de canton et des notables. Ces figures d’autorité réglaient les affaires communautaires, assuraient la protection des populations et faisaient le lien entre les ancêtres et les vivants.
En revanche chaque groupe ethnique avait une organisation sociopolitique qui lui était propre ; les structures de pouvoir diffèrent donc selon les régions et les peuples. Dans la région méridionale, les peuples comme les Éwé, les Guin et les Mina avaient des systèmes politiques bien établis. Par exemple, chez les Éwé du littoral, notamment les Bè-Togo, le pouvoir était de nature théocratique, centré autour du culte de la divinité Nyigblin. Le grand-prêtre, ou « avéto », était à la fois le chef spirituel et politique, assisté par des conseillers et des notables. Dans la région septentrionale, les chefs de clan exerçaient une autorité sur la communauté en ayant comme rôle principal la régulation des affaires internes et en s’érigeant comme représentant légal de la communauté.
Avec la colonisation allemande puis française la chefferie a été intégrée à l’administration coloniale souvent au solde des intérêts coloniaux. Cependant, cette collaboration a parfois conduit à des tensions internes, notamment lorsque les autorités coloniales ont tenté d’imposer des chefs en dehors des structures traditionnelles
II. Un rôle clé dans la société Togolaise
Jusqu’à présent, la chefferie traditionnelle joue un rôle crucial dans la vie politique culturelle et sociale du Togo.
1. Gardien des us et coutumes
Les chefs traditionnels sont les dépositaires des traditions et des coutumes de leurs communautés. Ils veillent à leur préservation et à leur transmission aux générations futures, organisent et supervisent les cérémonies culturelles et rituelles. Ils ont également pour mission de veiller à l’harmonie et à la cohésion sociale au sein de leur communauté.
2. Médiation et résolution des conflits
En tant qu’arbitres, les chefs traditionnels jouent un rôle crucial dans la médiation et la résolution des conflits locaux. Ils disposent d’un pouvoir d’arbitrage et de conciliation des parties en matière coutumière, favorisant ainsi la paix sociale.

Président Faure à la rencontre de la chefferie du grand Kloto (source : https://www.republicoftogo.com)
3. Intermédiaire avec les autres légitimités
Les chefs traditionnels jouent un rôle d’intermédiaires entre l’administration publique et les citoyens. Ils facilitent la mise en place des politiques gouvernementales et sensibilisent leurs communautés aux programmes nationaux (éducation, santé, développement économique, etc.). En témoigne leur implication dans la vaccination contre la covid 19. Au moins 42% de la population du Grand-Lomé et de la région maritime, soit près de la moitié des Togolais ont été vaccinées contre la Covid-19. Ceci a été possible grâce aux implications, aux sensibilisations des gardiens des us et coutumes. En donnant l’exemple, ils ont encouragé et incité plusieurs de leurs compatriotes à se prêter à l’exercice. D’où la reconnaissance de la representante residente de l’organisation mondiale de la santé au Togo qui affirma : « par votre implication sans faille, vous avez amené la population togolaise non seulement à adhérer aux respects de toutes les stratégies mises en place mais aussi et surtout l’adhésion à la vaccination qui demeure l’arme la plus efficace pour arrêter la maladie ».
4. Participation au développement local
Les chefs traditionnels sont consultés par les autorités administratives, les collectivités décentralisées ou les services déconcentrés sur les questions de développement local, telles que l’environnement, la santé, le foncier, la sécurité et l’éducation.
Dans le contexte de décentralisation, la loi confie aux organes locaux le rôle de gestion des affaires des collectivités territoriales à la tête desquelles ils se trouvent. D’ailleurs le développement local privilégie l’organisation au sein des collectivités territoriales et s’appuie principalement sur l’expression de la force endogène dont la chefferie traditionnelle est la principale force motrice.
Dans la mobilisation des ressources, le chef est indispensable dans la mesure où il connaît parfaitement les potentialités à mobiliser pour la réalisation d’un projet. Ce qui permet de maîtriser aussi l’apport éventuel des populations dans tout projet de développement.
III. Une institution en mutation
Face à l’urbanisation et à la modernisation, la place de la chefferie traditionnelle est en pleine mutation. Bien qu’elle soit toujours présente, son influence dans les grandes villes tend à baisser.
Cadre juridique ambigu : Malgré les réformes, le statut juridique de la chefferie reste flou, oscillant entre reconnaissance officielle et marginalisation dans le processus de décentralisation
Impartialité politique : Des critiques émergent concernant l’impartialité des chefs traditionnels, certains étant perçus comme alignés sur des partis politiques, ce qui peut entacher leur légitimité aux yeux de la population. La chefferie est souvent considérée comme complice et à la merci du pouvoir en place, qui influencerait le processus d’accession au trône en sa faveur dans certaines contrées, et ceci pourrait susciter de la méfiance au sein de la population (Perrot, 2009 ; Blivi, 2017 ; Kamako, 2018).

Enquête realisée par Afrobarometer
BIBLIOGRAPHIE
Komla Etou : Les avatars du pouvoir politique traditionnel chez les Bè-Togo (1884-1960) paru dans le Vol. 29, n° 2 — Juillet-Décembre 2013, Science et technique, Lettres, Sciences sociales et humaine
FAOLEX. « Statut et Rôle des Chefs Traditionnels au Togo. » FAOLEX, 2022, https://faolex.fao.org/docs/pdf/tog167118.pdf.
Togo-La chefferie traditionnelle a joué un grand rôle dans la vaccination contre la Covid-19 www.africa-press.net 24-03-2023
AMLALO Mensah Sédo « LA PLACE DU CHEF TRADITIONNEL DANS LE CONTEXTE DE LA DECENTRALISATION » base.afrique-gouvernance.net
Ahlin Ekoutiamé, Komi Amewunou, et Patrice Essowè Kao Dépêche No. 446 d’Afrobarometer « Les Togolais font confiance aux chefs traditionnels mais préfèrent leur impartialité pendant les votes »
Mouhamadou Moustapha Gueye -Etudiant en L3 Economie et responsable du pôle rédaction d’ESMA
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