L’Éthiopie, pays situé sur la Corne de l’Afrique, est un pays qui fascine tous les passionnés d’histoire. Ses singularités – sa longue histoire dynastique, ses trésors archéologiques et son statut privilégié de nation n’ayant jamais été colonisée – alimentent la réputation du pays en tant que puissance historique. En passant par les descendants d’un royaume chrétien et par ses traditions ancestrales, l’Éthiopie regorge d’histoire et de cultures qui méritent d’être partagées pour mieux appréhender les dynamiques actuelles auxquelles le pays fait face.
L’épopée nationale raconte la naissance d’un royaume dont les origines remontent à 100 avant notre ère, au cœur des premières civilisations.
L’Éthiopie, d’abord un territoire fragmenté dans ses hauts plateaux, se forme progressivement en tirant parti de sa position stratégique au cœur d’un carrefour commercial. Elle développe sa propre économie, spécialisée dans l’élevage, et se dote d’un système d’écriture à cette occasion.
Les royaumes poursuivent leur expansion, et parmi eux, le royaume d’Aksoum s’impose rapidement comme puissance régionale majeure occupant une place centrale dans les échanges commerciaux avec les Romains. Au IVème siècle après Jésus-Christ, l’arrivée des hommes originaires de Tyr, Frumence et Édèse, prisonniers puis élevés à la cour d’Aksoum, initie le christianisme aux Éthiopiens. Frumence finit par convertir le roi d’Aksoum dans un royaume jusqu’alors polythéiste. Au même moment, les persécutions contre les chrétiens s’intensifient dans l’empire romain, ce qui fait de l’Éthiopie une terre de refuge. Les dynasties se succèdent les unes après les autres, laissant en héritage les traditions et coutumes du pays qui passent notamment par la construction d’églises orthodoxes éthiopiennes. L’ère de l’orthodoxie éthiopienne, telle que nous la connaissons aujourd’hui, naît au XVIIème siècle, bien que ses fondements remontent au Moyen Âge. L’ascension fulgurante de l’Éthiopie en tant que première nation chrétienne serait attribuée à Ménélik Ier, revendiquant un lien de descendance avec le roi Salomon et la reine de Saba. Serait-ce une vérité ou bien un moyen de légitimer sa revendication du trône ? Nul ne le sait.
En 1270, le Roi Yekouno Amlak s’empare du pouvoir et rétablit la dynastie salomonide, inaugurant un règne qui durera près de huit siècles. Entre guerres de religion incessantes et trêves temporaires, les Salomonides conservent le pouvoir et repoussent les incursions musulmanes, alors en constante expansion. Cependant, ce n’est pas sans difficulté que le roi éthiopien conserve son pouvoir. La bataille de Shimbra Kouré en 1529 signe la fin des séries de victoires des Éthiopiens contre le royaume d’Adal, petit territoire qui conteste l’autorité éthiopienne dans la région.
Le XVIème siècle marque le début des partenariats diplomatiques du pays avec des puissances étrangères dans un contexte de remise en question de l’autorité éthiopienne dans la région.
Face à la menace que représente Adal, l’empereur consolide son alliance avec le Portugal. Déjà familier avec les échanges commerciaux dans la région de la corne de l’Afrique depuis le début des grandes expéditions maritimes, le Portugal fournit des soldats et du matériel militaire aux éthiopiens, une aide qui camoufle les réelles intentions de l’État. En échange des armes à feu et des munitions modernes, l’empereur éthiopien est contraint de leur accorder le monopole exclusif sur les échanges commerciaux et l’autorisation de constructions de forteresses sur la côte. Mais les Portugais ne s’arrêtent pas là : soucieux de faire perdurer leur tradition catholique au-delà de leur frontière et dans une Europe qui connaît un éveil du protestantisme, des missionnaires portugais sont envoyés en Éthiopie pour convertir les fidèles orthodoxes. Cette mission trouve son succès avec l’appui du nouvel empereur qui se convertit au catholicisme. La conversion du nouveau roi d’Éthiopie marque la fin de l’ère orthodoxe au XVIIème siècle, toutefois pour une courte durée.
Au XVIIIème siècle, l’ère gondarienne est un temps de restructurations culturelles et politiques avec un affaiblissement de l’autorité impériale au profit de l’autonomie des seigneurs féodaux.
L’année 1889 marque le début du règne de Ménélik II, l’empereur le plus célèbre d’Éthiopie, celui étant à l’origine de l’État moderne et de la renaissance de l’Etat chrétien.

Ménélik II met en œuvre des politiques de modernisation en installant les premières lignes de télécommunications, en créant la banque, les écoles nationales et les hôpitaux. À travers des campagnes de conquête de territoires, il consolide l’empire grâce à une politique d’annexion des territoires des peuples jusque-là autonomes, et centralise le pouvoir autour d’Addis-Abeba, nouvellement désignée capitale du pays. Soucieux de conquérir l’Érythrée dans le but de débloquer un accès stratégique à la mer, l’empereur se lance à son tour dans la course coloniale mais se retrouve très vite confronté à des puissances occidentales. L’Italie, installée à Assab depuis 1882, revendique l’Érythrée pour en faire un protectorat, une acquisition reconnue dans le traité de Wouchalie signé par l’Éthiopie et l’Italie. La guerre éclate entre ces deux nations, sur la base de revendications coloniales italiennes qui cherchent à imposer un statut de protectorat à l’Éthiopie. En réponse, l’empereur lève une armée de 120 000 hommes qui suffit à infliger une défaite cuisante à l’Italie dont la victoire de la bataille d’Adoua en 1896 fut décisive pour la victoire éthiopienne. Ménélik II meurt en laissant en héritage une Éthiopie profondément transformée par les réformes territoriales.
Durant l’entre deux guerres, l’Italie fasciste de Mussolini retente sa chance et parvient à annexer l’Ethiopie, une annexion que dénonce le nouvel empereur Haïlé Sélassié Ier à la Société des Nations après s’être réfugié à Londres. Haïlé Sélassié récupère son trône avec l’intervention britannique en Éthiopie qui met fin à l’annexion du territoire.
Dans les années 1970, l’Éthiopie traverse une succession de ruptures politiques majeures qui vient remettre en cause la stabilité du pays.
En 1974, Haïlé Sélassié Ier est éjecté du pouvoir par le Derg, une junte militaire marxiste dirigée par Mengistu, marquant la fin de l’empire. Le régime instaure un État autoritaire reposant sur la nationalisation, la collectivisation et une répression massive connue sous le nom de la Terreur rouge. Alors que le pays est touché par des guerres civiles contre des mouvements régionaux en Érythrée et au Tigré, région au nord de l’Éthiopie, le pays connaît un épisode de crise humanitaire qui le plonge dans une grande famine. Privé du soutien soviétique, le Derg s’effondre et L’EPRDF, une coalition politique, prend le pouvoir. Ce nouveau gouvernement instaure un fédéralisme ethnique reposant sur des États régionaux dotés d’une large autonomie, tout en conservant une domination sans partage sur la vie politique. Cette configuration politique alimente de fortes tensions internes, dans un contexte déjà fragilisé par la guerre qui éclate entre l’Éthiopie et l’Érythrée entre 1998 et 2000. À partir des années 2010, des protestations massives éclatent dans les régions oromo et Amhara, dénonçant les inégalités et le caractère répressif du régime, qui conduisent à la démission du Premier ministre en 2018 et ouvre les portes du pouvoir à Abiy Ahmed.
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Sources
- Chronologie : L’Éthiopie, CLIO
- “Au-delà des mythes”, Les Collections de L’Histoire n°74, L’Histoire, 2017
- “L’Église éthiopienne”, Archéobiblion
- Comment l’Éthiopie est devenue la première puissance Chrétienne de l’Histoire ?, Épisodes d’Histoire, 2023
- Pourquoi l’Éthiopie n’a jamais été colonisée?, La Folle Histoire, 2024
Lucia Badohoun- Étudiante en Licence 2 d’Etudes européennes et internationales
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