Rodney Walter


Walter Rodney était un militant, historien et homme politique guyanien, ainsi qu’une figure majeure du panafricanisme, un mouvement culturel, intellectuel et politique prônant l’unité des peuples africains et afrodescendants. Walter Rodney est né le 23 mars 1942 dans la colonie britannique du Guyana (alors appelée Guyane anglaise). Il est le cadet d’une fratrie de six enfants au sein d’une famille de classe ouvrière. Son père, Edward Percival Rodney, était un militant politique et nationaliste anticolonial, engagé dans la défense des droits des Guyaniens noirs et pauvres. Très tôt, il expose Walter aux débats politiques et aux idées anticoloniales, contribuant à forger sa conscience politique dès l’enfance. Suivant initialement un parcours scolaire classique, ses excellents résultats lui permirent, en 1953, d’obtenir une bourse pour intégrer le Queen’s College, l’établissement le plus prestigieux de la colonie à cette époque. C’est là que Walter développa une passion pour les sciences humaines. De 1960 à 1963, il poursuit ses études aux Antilles, sur l’île de la Jamaïque, à la University of the West Indies. C’est là qu’il commence à se spécialiser en histoire de l’Afrique et qu’il découvre la diversité des cultures afro-caribéennes en échangeant avec des camarades venus de différentes îles des Caraïbes. L’observation des inégalités sociales communes à ces communautés contribue progressivement à forger en lui un sentiment d’unité et de solidarité avec les peuples afrodescendants.

Le 13 juin 1980, après 20 heures, en Guyana, pays d’Amérique du Sud anciennement colonisé par le Royaume-Uni, une explosion survient à l’intérieur d’une voiture à Georgetown, ôtant la vie à Walter Rodney, l’un des passagers du véhicule.

En 1963, il obtient son premier diplôme universitaire à la University of the West Indies. La même année, il décida de poursuivre ses études à Londres, à la School of Oriental and African Studies (SOAS), University of London. Là-bas, il fut rapidement confronté au racisme et s’engagea politiquement en rejoignant des cercles intellectuels panafricains et anticoloniaux, où il participa à des débats et échanges sur la décolonisation, les différents gouvernements ségrégationnistes et l’unité des peuples africains et afrodescendants. En 1966, à l’âge de 24 ans, il soutint sa thèse de doctorat : « A History of the Upper Guinea Coast, 1545‑1800 ». Sa thèse cherche à démontrer que le sous-développement de la Côte de la Haute Guinée , n’est pas le résultat d’une prétendue infériorité raciale des populations africaines, contrairement à la croyance et aux thèses dominantes de l’époque, mais bien la conséquence du commerce transatlantique et du colonialisme occidental dans la région. Le 5 juillet 1966, Walter Rodney devient docteur en Histoire après vérification de sa thèse. Cet ouvrage va considérablement augmenter sa notoriété en tant qu’historien.

À la suite de cela, il enseigne à l’Université de Dar-es-Salaam en Tanzanie de 1966 à 1967. En 1968, il retourne en Jamaïque pour enseigner dans son ancien établissement, la University of the West Indies. Il critiquera le gouvernement et s’engagera auprès des populations défavorisées et des mouvements populaires. En raison de son activisme, les autorités jamaïcaines le surveillent de près, limitant son action dans le pays. En 1969, à cause d’une pression du gouvernement jamaïcain, il retournera enseigner en Tanzanie.

En 1972, Walter Rodney publie l’ouvrage le plus connu de sa carrière:, How Europe Underdeveloped Africa. Dans ce livre, il démontre que le sous-développement de l’Afrique ne résulte pas de causes internes au continent, mais qu’il est avant tout la conséquence historique du commerce transatlantique et du colonialisme européen. La traite négrière a notamment dépouillé de l’Afrique de millions de personnes en âge de travailler. Le colonialisme, quant à lui, a favorisé le développement des métropoles européennes au détriment des colonies, en organisant l’exploitation systématique des ressources africaines au profit des États européens., etc.

En 1974, Walter Rodney rentre définitivement en Guyana et décide de s’engager pleinement dans la lutte politique contre le régime autoritaire en place. Malgré sa reconnaissance internationale en tant qu’historien, il se voit refuser un poste à l’université de Guyana car le gouvernement fait pression sur l’établissement, ce qui confirme l’hostilité du pouvoir à son égard. Il fonde alors, avec d’autres intellectuels et militants, le Working People’s Alliance, un mouvement politique visant à éveiller les consciences et à unir les classes populaires au-delà des divisions raciales entretenues par le régime de Forbes Burnham. En raison de son engagement et de son influence croissante, Walter Rodney devient l’un des principaux opposants politiques du pouvoir. Cela va conduire au commandement de l’assassinat de Walter Rodney par l’Etat Guyanien.

   Le 13 juin 1980, Walter Rodney se trouve à bord de la voiture de son frère après avoir reçu un talkie-walkie de Grégory Smith, censé lui servir de moyen de communication dans le cadre de l’opposition. Mais l’appareil était en réalité piégé et, lorsqu’il le teste, une explosion se produit, le tuant sur le coup et blessant grièvement son frère. Il s’agira là d’un attentat politique orchestré par le régime de Forbes Burnham.

La vie de Walter Rodney est le témoignage d’un militantisme courageux et constant par son travail et son engagement. Son héritage intellectuel et politique continue d’inspirer les luttes pour la justice, l’égalité et la liberté à travers l’Afrique et la diaspora.    

Source :

  • BOUKARI-YABARA, Amzat, Walter Rodney. Un historien engagé (1942-1980), Paris, Éditions Présence Africaine, 2018, 336 pages
  • RODNEY, Walter, Comment l’Europe sous-développa l’Afrique, Paris, Editions B42, 2025, 350 pages 
  • RAJAONAH, Vohangy, In memoriam à Walter Rodney,


Nathan Cairo – Rédacteur Esma

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