Une fois n’est pas coutume, aujourd’hui ESMA vous propose de vous éclairer dans un voyage aux entrailles des abîmes les plus sombres de l’humanité. Un voyage au cours duquel la célèbre maxime latine « Homo homini lupus est » (1) ne s’est jamais aussi bien appliquée. L’Homme effrayé par son prochain, le rejetant au lieu de chercher à le connaître. La peur de l’inconnu, réaction irrationnelle et si dévastatrice quand elle s’applique aux rapports d’altérité.
A la frontière du réel et de l’inconcevable, l’Homme envisage parfois les pires cruautés pour se débarrasser de son frère, à plus forte raison quand ce dernier lui inspire la peur induite par l’ignorance. Ibn Rochd de Cordoue mieux connu sous son nom latin Averroès, décrit ce phénomène en ces termes : « L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l’équation. » Dans la droite lignée de « la solution finale » envisagée par les Nazis pour exterminer les Juifs et les Tziganes, le « Projet Coast » se propose lui d’exterminer les noirs en Afrique du Sud. Pourtant à en croire le chef d’état-major qui initie le programme, le projet devait développer des moyens scientifiques pour maîtriser une foule sans avoir à user d’armes létales.
Situons d’abord le « Projet Coast » dans le temps, il débute en 1981 et il est officiellement stoppé en 1993. L’armée met en place une division de recherche scientifique clandestine et organisée en société écran pour répondre à deux phénomènes : sur le plan national, l’ANC (African National Congress – parti politique de Mandela notamment) est passé sur un mode opératoire violent pour abolir le régime d’apartheid. Sur le plan international, les indépendances des pays limitrophes posent problème à l’Afrique du Sud des suprémacistes blancs, outre l’appui que ces pays peuvent fournir à l’ANC, un autre danger subsiste. Un danger qui découle de la guerre froide et que les militaires sud-africains nomment le « Black Red danger » ou le danger que représente les populations noires qui ont fait le choix du communisme. Dans ce contexte, les guerres d’indépendances de la Rhodésie du Sud fut l’occasion de tester de façon opérationnelle, des armes bactériologiques à grande échelle, en provoquant volontairement une épidémie de choléra. Ce dernier point est tout à fait en contradiction avec l’affirmation des militaires sud-africains selon laquelle le «Projet Coast » était initialement un projet pour développer des armes non-létales.
Le projet lancé, il est confié à un brillant médecin de l’armée : le docteur Wouter Basson. Celui-ci s’est occupé de développer le projet avec l’aide internationale de pays tel que les Etats-Unis qui affronte à la même époque les révoltes des populations noires. Au départ le projet développe des moyens discrets pour inoculer des substances chimiques mortelles tels que des poisons dans des paquets de cigarettes, dans des enveloppes ou des lettres, des déodorants, des bouteilles de whisky ou encore au niveau de la pointe d’un parapluie. Le projet prend de l’ampleur grâce à la collaboration des services secrets étrangers qui partagent des programmes d’armes chimiques et bactériologiques car l’Afrique du Sud peut les tester sur des cobayes humains. Très vite, on passe à des armes de destructions massives, des fioles de sang contaminés ont été retrouvés et elles ont pu servir à l’étude du fonctionnement des organismes mortels dans le corps humain. Parmi toutes les solutions envisagées, deux d’entre elles étaient particulièrement destructrices et avaient pour avantage de ne cibler que les populations de couleur noire. D’abord un vaccin synthétisé à partir d’une protéine présente dans le sperme, occasionne dans l’organisme des femmes une stérilisation irréversible, un excellent moyen pour contrôler et surtout diminuer la démographie des populations noires. Ensuite la Bacillus anthracis mieux connue comme la bacille du charbon, fut traitée pour qu’elle s’attaque à la mélanine, plus le taux de mélanine dans le corps humain est important, plus la bactérie développée par Wouter Basson et son équipe est efficace. En d’autres termes, la combinaison des ces deux moyens, permet à long terme de réduire de façon significative la population noire en Afrique du Sud, c’est ce qui aujourd’hui en terme de droit international est qualifiée de génocide (article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du génocide de 1948).
« Le docteur la mort » tel qu’il est surnommé par la presse sud-africaine, a continué à travailler pour le gouvernement bien après l’apartheid et bien après « la commission de la vérité et de la réconciliation » qui fut l’initiative de Nelson Mandel. Une commission au cours de laquelle on invite les cadres du régime d’apartheid à confesser leurs méfaits contre une amnésie. Wouter Basson à 67 ans mène une vie “normale” en Afrique du Sud amnistié puis acquitter.
*(1) L’homme est un loup pour l’homme
Pour aller plus loin, ESMA vous propose de découvrir des reportages documentés qui fournissent amplement plus de détails que la présente Wakhatina peut vous en fournir.
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