L’étymologie du mot « Makossa »
Le Makossa est un rythme musical originaire du peuple Sawa qui vit le jour entre les années 1950 et 1960. C’est un parfait hybride entre l’Ambass-bey, le Bolobo, l’Assiko, l’Essewè du Cameroun, la Rumba congolaise,le Merengue dominicain, l’Highlife du Ghana accompagné d’influences antillaises et afro-latines.
Dans le numéro 324 du journal Afrique-Asie paru le lundi 18 juin 1984, le musicien renommé Francis Bebey dit ceci :
« Étroitement lié à la ville de Douala, le Makossa comme le jazz n’a pas de signification propre. La traduction la plus admise est d’ordre sémantique, « Sa » signifiant en Duala : danser, alors que « Kô » se traduit par tomber. Makossa voudrait alors dire entrer dans la danse, soyez dans le coup ».
Le préfixe « Ma » pluralise ce terme en mettant en avant la diversité de son usage et des rythmes qui composent cet héritage mais aussi des figures qui se sont engagées afin de le promouvoir.
Le terme « Makossa » fut prononcé pour la première fois par l’une des figures de proue du genre Makossa, Nelle Eyoum.
Le Makossa, une musique urbaine
En 1958, le groupe NEGRO STYL, fondé par Nelle Eyoum, en compagnie d’Ebanda Manfred, enregistre le titre « Amio », considéré comme l’un des titres précurseurs du Makossa. Il sera plus tard merveilleusement repris par la diva camerounaise Bebey Manga.
Pour découvrir le titre Amio repris par Bebey Manga : https://youtu.be/-G_f_IQeru8
La multiplication des lieux de détente dans les années 60-70 a offert aux artistes locaux une tribune pour exprimer toute la distinction du Makossa, ses symphonies et sa synchronisation apportées par les instruments.
L’artiste Ekambi Brillant, très admiratif de James Brown, avec le soutien de l’excellent bassiste Jean Dikoto Mandengue, introduira des riffs de rock et breaks qui feront l’identité du Makossa nouvelle génération.
En 1972, il remporte un jeu radiophonique animé par Manu Dibango sur la Radio France Inter avec le titre « N’Djonguèlè » qui le propulse au-delà des frontières. La deuxième génération des artistes de makossa a été marquée par le talent de l’artiste Eboa Lotin dont les deux chefs-d’œuvre « Matumba » et « Besombe » vont devenir des classiques de ce riche courant musical.
Pour découvrir le titre Matumba d’Eboa Lotin : https://youtu.be/jlVw1dfB_Go
Lors des années 80-90, le Makossa originel s’est modernisé notamment grâce à l’intégration d’éléments de funk. La Radio Congo Belge, une radio qui eu un rôle important dans le développement et la popularisation de la rumba congolaise, a été également un soutien de taille pour la diffusion et la popularisation du Makossa.
Du fait de cette expansion naîtront les Funky makossa, Disco makossa, Salsa makossa, Soukouss makossa, Jazz makossa, Reggae makossa et d’autres déclinaisons du Makossa.
From Cameroon to the world
Le Makossa va progresser, s’urbaniser et conquérir le cœur des camerounais et du monde entier.
Pierre Tchana, Pierre Didy Tchakounté, André Marie Tala, François Misse Ngoh, Petit Pays mais surtout Manu Dibango ont vulgarisé le genre à partir des années 60. En 1972, le virtuose Manu Dibango permit de donner une dimension planétaire au Makossa avec son titre « Soul Makossa », initialement sorti à l’occasion de la Coupe d’Afrique des Nations 1972, au Cameroun.
Au cours de cette même année était fondé le groupe de Makossa « Black’s Styl » par Toto Guillaume qui sera rejoint par les artistes Emile Kangue, Nkotti François et Yves Lobe au sein de la ville de Douala. Ils enregistreront huit titres en 1973 dont « Françoise » et « Ndutu », ce dernier est choisi comme premier single 45 de la compagnie. Il remportera un franc succès au Cameroun. « O sambo » viendra confirmer l’influence du groupe et les imposera comme des pionniers du Makossa moderne. D’autres groupes tels que Uvocot Jazz (Union des voix côtières), Rythmic Band et Los Calvinos ont également contribué à standardiser le Makossa.
Pour découvrir le titre Françoise du groupe Black Styl’s : https://youtu.be/f3P4_U-boOU
La troisième génération des artistes de Makossa
Au début des années 80 sous les arrangements de Toto Guillaume qui étudiait la musique à Paris, et avec l’aide des bassistes Vicky Edimo, Aladji Touré, les batteurs Donald Welsey Ebeny et Valerie Lobe, « L’équipe nationale du Makossa » est créée.
Elle fut une pépinière de talent qui regroupait, entre autres, Ben Decca, Ndedi Eyango, Guy Lobe, Dina Bell, Hoigen Ekwalla, Sam Fan Thomas, Axel Muna et bien d’autres.
Le Makossa deviendra une musique nationale interprétée par des compositeurs talentueux originaires d’autres régions du Cameroun (ndlr autre que la région du Littoral) : Elvis Kemayo ou encore le groupe Zangalewa, entre autres.
Sans oublier tout le travail de promotion d’hommes et de femmes qui y ont cru ; Aladji Touré, Tony Njoh Malaïka, Jacky Toto, Toto Guillaume, Rose Ngassa et de nombreuses maisons de production sans qui le Makossa ne serait ce qu’il est aujourd’hui. A côté de ceux-ci, l’apport d’Africa numéro 1 est considérable, première radio gabonaise internationale créée en 1981, son antenne diffuse le makossa en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord à travers son programme Africa-son.
L’influence socio-culturelle du Makossa
Plusieurs exemples illustrent l’internalisation du Makossa, qui s’est faite, parfois, au détriment du respect des artistes…
La désormais célèbre ligne « Mamasé, mamasa, maka makossa » avait en fait été contrefait par Michael Jackson dans son titre « Wanna Be Startin ‘Somethin » en 1983, avant d’être reprise par Rihanna dans sa chanson “Don’t stop the music” ; elle était à l’origine issue de « Soul Makossa » de Manu Dibango. Manu Dibango intenta un procès ces deux mais sa plainte sera jugée irrecevable.
On peut citer Shakira qui a repris le titre « Zangalewa » de Golden Sounds avec son titre « Waka Waka » lors de la Coupe du monde internationale de football en 2010 (sans leur accord). Pour les auteurs camerounais de la chanson « Zangalewa », il avait été évoqué qu’un accord à l’amiable était trouvé avec Shakira et qu’ils devaient être dédommagés. Depuis, cette promesse est restée sans suite.
Le makossa insuffle la mode Kaba Ngondo, tenue traditionnelle Sawa qui sera très convoitée. Dina Bell, introduit le port du chapeau dit « casquette » Dina Bell. Ekambi Brillant inspire le nom d’une nouvelle chaussure en polyester appelée « Ekambi ». Enfin, Manu Dibango donne naissance au Toyota makossa, inspiré par une promo que l’artiste camerounais fera pour une nouvelle marque de voiture japonaise très célèbre au Cameroun.
La quatrième génération des artistes de Makossa
Depuis les années 90, une nouvelle génération constituée de Richard Bona, Petit-Pays, Charlotte Mbango, Etienne Mbappe, Dora Decca, Ntumba Minka, Samy Diko, Nguea La Route… a porté et continue de porter le flambeau du Makossa. Cette mosaïque de différents genres musicaux africains et afro-latinos nous invite à un voyage musical qui en a fait son succès et lui a permis de devenir un véritable ambassadeur culturel camerounais.
Pour découvrir le titre Eya La Ngo du duo Grace et Ben Decca : https://youtu.be/ao8Ncplegwg

étudiante en L2 de Gestion
Responsable du pôle événementiel d’ESMA.
Bibliographie
CHARLY Olivier, « La genèse du Makosa dévoilée », Tamtam du Mboa, 13 septembre 2018, VOICI DONC COMMENT A ÉVOLUE LE MAKOSSA, UN RYTHME MUSICAL TRÈS ANCIEN AU CAMEROUN
KETCHIEMEN Arol, Les icônes de la musique camerounaise, Les éditions du Muntu, 2018
NGBWA Jean Fabrice, « Le makossa au Cameroun », Music In Africa, 22 Juillet 2015, Le makossa au Cameroun
« Black Styl’s », Makossa Original, 6 janvier 2017, makossa original: Black Styl’s
A reblogué ceci sur Musics and Souls.
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