️ Les Comores à l’honneur
L’archipel des Comores se situe à l’entrée nord du canal du Mozambique. Ancienne colonie puis département d’outre-mer français, les îles qui le composent (en dehors de Mayotte) acquièrent l’indépendance de la France en 1976. C’est une république unitaire qui prend une forme fédérale. Elle comprend les îles de Grande Comore, Anjouan et Mohéli et sa capitale administrative est la ville de Moroni. Les langues officielles du pays sont le Shikomor (langue de la population), le français et l’arabe. En ce qui concerne la religion, la grande majorité des 800 000 habitants sont musulmans de tendance sunnite. L’Union des Comores appartient par ailleurs à l’Union Africaine depuis 1975 et à la Ligue arabe depuis 1993.
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Sur le plan administratif, cette république donne une large autonomie aux trois îles qui la composent. La nouvelle constitution promulguée suite aux accords de Fomboni en 2001 prévoit une présidence « tournante » : tous les quatre ans, l’un des présidents des trois îles prend la tête de l’union fédérale. Depuis 2016, la présidence revient au grand-comorien Azali Assoumani, qui sera remplacé au terme de son mandat par le représentant de l’île d’Anjouan. Cette forme fédérale fut adoptée par référendum pour mettre fin à l’instabilité que connaissait le pays depuis son indépendance en 1976.
D’un point de vue économique, l’Union des Comores fait partie des pays les moins avancés, avec un faible indice de développement humain (0,50 en 2015) et un taux de chômage très haut qui touche énormément la jeunesse (10 % de la population active). L’agriculture est le principal secteur d’activité du pays (représente 80 % de la population active), avec une concentration sur trois produits : la vanille, le girofle et l’ylang-ylang. Le premier partenaire commercial des Comores est l’Union Européenne
🇪🇺️(34,5 % des exportations) tandis que ses principaux fournisseurs sont la Chine
🇨🇳️, la France
🇫🇷️ et le Pakistan
🇵🇰️qui réalisent 50 % des importations du pays.
Point historique
Le 22 décembre 1974 a lieu un référendum dans les quatre îles composant l’archipel des Comores pour décider de l’indépendance, ou non, du pays. Si le résultat global du vote donne plus de 90% de « oui » à l’indépendance, le « non » l’emporte à 60% sur l’île de Mayotte. Face à cette situation, la France refuse de traiter toutes les îles de la même manière et, à l’encontre du droit international, exige que Mayotte reste dans le giron français. Alors que les négociations peinent à aboutir, le président du gouvernement, Ahmed Abdallah, proclame unilatéralement l’indépendance des Comores le 6 juillet 1975, et prend la tête de ce nouvel Etat. L’île de Mayotte devient alors un véritable sujet de tensions car elle est revendiquée par l’Etat comorien qui considère la présence de la France sur cette île comme illégitime.
Le 3 août 1975, Robert Denard, un mercenaire français, organise un coup d’Etat sur l’île de Grande Comore et porte au pouvoir le prince Jaffar. Le mois suivant, les mapindruzi (« révolutionnaires »), encadrés par des mercenaires dont Bob Denard, débarquent sur Anjouan et contraignent Ahmed Abdallah à s’exiler en France. Ali Soilih remplace le prince Jaffar à la tête du pays l’année suivante et instaure un régime socialiste et laïc. Au cours de son règne, il essaie de moderniser la société en supprimant bon nombre de coutumes (le port du voile ou le « Grand mariage » par exemple) et favorise l’émancipation des jeunes. D’importants efforts sur les infrastructures sont également entrepris. Néanmoins le nouveau pouvoir tourne vite à la dictature brutale. Le référendum de 1977, qui ne donne que 55% de voix en faveur du maintien d’Ali Soilih au pouvoir, témoigne de la perte de prestige du leader et de l’essoufflement du régime.
Dans la nuit du 12 au 13 mai 1978, un commando d’hommes conduits par Bob Denard capture Ali Soilih (qui sera par la suite assassiné) et fait revenir au pouvoir l’ancien président destitué Ahmed Abdallah. Le 1er octobre 1978 est votée par référendum constitutionnel l’adoption d’une République fédérale islamique et Ahmed Abdallah est élu président avec plus de 99% des voix. Le nouveau dirigeant se voit imposer une garde présidentielle (« GP ») financée directement par l’Afrique du sud et encadrée par Bob Denard, qui acquiert dès lors le titre de « commandant en chef des forces de sécurité ». Entre 1978 et 1989 le régime d’Ahmed Abdallah prend une tournure de plus en plus autocratique alors même que les tentatives de coups d’Etats se multiplient. C’est finalement le changement d’orientation politique en Afrique du sud qui va sonner le glas de ce régime. En 1989, le président De Klerk, qui subventionnait jusqu’alors le régime d’Ahmed Abdallah, se trouve contraint, du fait de sa politique de normalisation, de couper les subventions aux mercenaires des Comores. Ces derniers se retournent alors contre le dirigeant et l’assassinent le 26 novembre 1989.
Devant la confusion qui règne alors dans le pays, l’armée française finit par intervenir directement pour expulser Denard et ses hommes des Comores. En 1990, le candidat du parti vert Saïd Mohamed Djohar est élu. Si le régime est alors officiellement démocratique il se trouve dans les faits gangréné par la persistance d’une corruption généralisée. En 1995 Said Mohamed Djohar est déposé et forcé à l’exil par un nouveau coup d’Etat mené par Bob Denard et ses mercenaires. La France intervient militairement et, à l’issue de l’élection de 1996, Mohamed Taki Abdoulkarim est élu président. Par la suite c’est un problème de partage du pouvoir entre les îles de l’archipel qui va conduire à des troubles politiques. En 1997, les îles d’Anjouan et de Mohéli, qui se considèrent comme mises de côté par le pouvoir central, proclament leur indépendance. Alors que de violentes manifestations anti-anjouanaises ont lieu à Grande Comore, le colonel Assoumani Azali prend le pouvoir par la force en avril 1999 et instaure un régime militaire dans le but de rétablir l’ordre. Une négociation s’engage enfin avec les accords de Fomboni qui aboutit à la ratification par référendum en décembre 2001 d’une nouvelle Constitution donnant naissance à l’ « Union des Comores ».
Point culture
Les traditions et les coutumes comoriennes se trouvent au croisement de différentes influences aussi bien arabes, qu’africaines et indiennes. Cette diversité se constate d’emblée dans la langue pratiquée, le comorien (ou shikomori), qui rassemble des dialectes proches du swahili avec de nombreux emprunts au français et à l’arabe. Mais c’est aussi la gastronomie qui rend particulièrement compte de cette diversité avec de nombreux plats d’origine plutôt indienne comme les samoussas ou le curry, et d’autres proches de la gastronomie africaine comme le mataba (feuilles de manioc à la noix de coco) ou le poulet au pilao.
En ce qui concerne les traditions, on peut évoquer un événement central dans la vie des comoriens : le « Grand Mariage » (ou Anda en Shikomori). Cette cérémonie, qui a ses propres spécificités sur chaque île de l’archipel, constitue un véritable rite de passage qui permet aux mariés de devenir des citoyens à part entière. Le caractère ostentatoire de cette tradition explique qu’elle constitue une des préoccupations majeures des comoriens au cours de leur vie : en moyenne un « grand mariage » coûte 80 000 euros à l’homme et 40 000 euros à la femme. S’étalant sur 9 jours, cette cérémonie est l’occasion pour les proches des mariés de se retrouver, de se parer leurs plus beaux habits et de danser des danses comme le sambé et chanter le « twarab » ensemble. L’importance de cet événement est telle qu’un nom spécifique existe pour désigner les Comoriens revenant sur leur île pour fêter un Grand Mariage qu’on les appelle les « je viens ».
Enfin notre portrait culturel de Comores ne serait pas complet si l’on ne soulignait pas l’importance de l’islam dans ce pays. En effet, l’islam sunnite de rite chafiite est largement majoritaire sur ces îles et structure profondément la société. Dans les écoles coraniques on apprend très tôt (dès 4 ans) aux jeunes comoriens à lire et écrire en arabe et savoir réciter les versets du Coran. Cette éducation religieuse explique le rayonnement des imams comoriens qui sont très présents en Afrique orientale ou à Zanzibar.
Le portrait: Ali Zamir
Ali Zamir est un écrivain comorien né le 7 janvier 1987 à Mutsamudu sur l’île d’Anjouan. Très jeune il s’ouvre
à la littérature par son père, instituteur, et par l’Alliance française qu’il fréquente durant son enfance. Il se prend ainsi de passion pour des grands auteurs de la littérature française tels Hugo, Balzac ou Flaubert, mais aussi des auteurs africains comme Cheikh Amidou Kane ou Ahmadou Kourouma. En 2005, grâce à l’obtention d’une bourse, il part étudier les lettres modernes à l’université du Caire.
C’est en 2016 que le grand public découvre cet auteur avec la publication de son premier roman « Anguille sous roche ». Dans cet ouvrage composé d’une phrase unique qui s’étend sur 320 pages, Ali Zamir délivre le cri de révolte d’une jeune comorienne sur le point de se noyer en voulant rejoindre l’île de Mayotte. Son écriture, à la fois violente et originale, met le lecteur face à une parole oubliée dans un récit qui s’apparente à une véritable apnée. Le succès retentissant de cet ouvrage valut à son auteur d’être présenté par Le Monde comme « L’Ovni littéraire de la rentrée » en septembre 2016 et d’obtenir le prix Senghor du premier roman francophone. L’année suivante, c’est encore ses Comores natales qu’Ali Zamir choisit comme toile de fond de son second roman, « Mon étincelle ». Si le texte se veut moins brutal, il traite dans une langue toujours neuve des thèmes universels que sont l’amour et la famille.
Ali Zamir vit aujourd’hui en France à Montpellier. S’il reste profondément attaché à ses Comores natales, il jette néanmoins un regard critique sur la manière dont le pays est dirigé. En témoigne cet appel à la jeunesse comorienne qu’il lance dans son dernier ouvrage, « Mon étincelle » : « Notre pays a besoin de vous. C’est un beau pays. Mais il est gouverné par des aveugles qui n’en font qu’à leur tête dure. Il est gouverné par des paralytiques qui ne font que massacrer son image. Vous, les jeunes, vous êtes les seuls à pouvoir ressusciter son image (…) Vous pouvez faire en sorte que le nom de ce pays reprenne sens : “les îles de la lune” comme l’ont appelé les Arabes, ou bien “les îles aux parfums”, comme tout le monde l’appelle ».
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