Point Culture: Ethiopie à l’honneur
L’Église orthodoxe d’Ethiopie.
«Nous, les Noirs, croyons au Dieu d’Ethiopie, le Dieu éternel, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit, le Dieu de tous les âges. C’est le Dieu auquel nous croyons, et nous l’adorons à travers les lunettes de l’Éthiopie. » Marcus Garvey.
Ainsi parlait Marcus Garvey de l’une des plus vieilles Églises au monde se trouve en Ethiopie (la plus vieille après l’Eglise arménienne et l’Eglise romaine). Ses origines remontent au IVe siècle quand la religion chrétienne est officiellement adoptée par le puissant royaume d’Aksoum. Elle fait partie des Églises des trois conciles, reconnues par l’ensemble des Églises orientales: le concil de Nicée en 325, le concil de Constantinople de 381 et le concil d’Ephèse en 431. L’Eglise éthiopienne n’a pas connu de grands changements depuis sa création sinon les évolutions subies, comme toutes choses sujettes à l’épreuve du temps.
L’Eglise tient ses origine de l’Eglise Copte en Égypte, cependant c’est son officialisation par le roi d’Aksoum Ezana (règne de 325 à 356) qui définit ses spécificités. Mais en réalité, c’est un autre homme qui en est à l’origine de l’essor du christianisme en Ethiopie: Abba Salama joue un rôle central dans la reconversion du roi Ezana ainsi que pour l’officialisation du christianisme. Frumentius tel qu’il est nommé par les romains, est vraisemblablement né dans l’espace syrien où eut été très tôt en contact avec la culture grecque et Lors d’un voyage où il retournait d’Inde, il fut capturé et offert en esclavage au roi d’Aksoum: Ella Amida. Il fut par la suite précepteur du roi Ezana et à dirigé le gouvernement Aksoumite durant l’enfance de ce dernier. C’est durant cette période qu’il structure l’Eglise éthiopienne. Fumence d’Aksoum devient par ailleurs le premier évêque d’Aksoum et après s’être retiré du monde des Hommes, il devient ermite. Il est canonisé à sa mort sous le nom de Abba Salama, en français: le père de la paix.
La seconde évangélisation a lieu au Ve siècle par neufs moines venus de Syrie. Ces moines sont connu par les Ethiopiens comme étant les neufs saints. C’est vraisemblablement à partir de cette période que le christianisme s’impose dans tout l’espace éthiopien.
L’arrivé des musulmans dans la religion au VIIe réduit l’Ethiopie à devenir une enclave de la chrétienté après avoir perdu contact avec les autres royaumes chrétiens. Une légende est née des rumeurs de croisés européens, qui racontent l’existence d’un royaume noir chrétien combattant les musulmans. Le royaume du prêtre Jean,Une légende à laquelle les premiers explorateurs portugais ,tel que Vasco de Gama, accordent une importance de premier plan pour endiguer l’influence politique et économique de l’Egypte des Mamelouks. Nombreux sont les explorateurs européens qui l’ont cherchée puis trouver en Ethiopie. Christophe de Gama -fils de l’explorateur du même nom- mena d’ailleurs une expédition militaire contre le sultanat d’Adal (sud de l’Ethiopie) en 1541, il y trouvera la mort sur un champs de bataille en 1543.
L”Eglise éthiopienne se distingue, entre autre, par l’incorporation de rites judaïques dans la liturgie éthiopienne, on peut parler par exemple de l’interdiction du porc ou encore les rites autour de l’arche de l’alliance. Et pour cause la dynastie Salomonide qui règne au VIIIe siècle, revendique une stricte descendance du roi Salomon. Le récit mentionné dans la bible et reporté par le Kebra Nagast (récit éthiopien écrit en ge’ez datant du VIIIe s.), raconte que le roi Salomon fondateur du temple de Jérusalem et fils du roi David, rencontre la reine de Saba dont le royaume s’étend du Yémen, au nord de l’Ethiopie passant par l’Erythrée actuelle. De leur rencontre naît Ménélik Ier. Ce dernier rendant visite à son père à Jérusalem, est revenu avec l’arche d’alliance, un coffre contenant les tables de la loi que Dieu a confié à Moïse. L’arche d’alliance est considéré par les Eglises chrétiennes, l’Islam et le judaïsme comme étant perdu. Pour l’Eglise éthiopienne, il est entreposé et demeure toujours à l’église de Sainte-Marie de Sion à Aksoum. Personne ne peut s’en approcher ou le voir car il est considéré comme sacré, seul un gardien nommé à vie possède une dérogation à cette règle.
Toutes les églises éthiopienne possèdent une copie des Tables de la Loi, c’est cette même copie qui fait de l’église un lieu sacré. Tout comme l’originale, il est formellement interdit de s’en approcher à moins d’une dizaine de mètres, sous peine de la souiller et donc de lui faire perdre son caractère sacré. Cette copie porte le nom de Tabot et seuls certains prêtres autorisés peuvent s’en approcher.
Une église en Ethiopie à un agencement spécifique. Elle est divisé en trois parties: la première partie est réservée aux chanteurs religieux ainsi qu’aux fidèles, la seconde pour l’office et enfin la dernière, à l’abris de tout les regard: la salle qui accueil le Tabot. Une fois par an, tous les Tabot sortent des églises à la vue de tous, seulement il est toujours formellement interdit de s’en approcher ou de le toucher.
L’organisation humaine de l’Eglise éthiopienne repose sur deux branches: le clergé séculier et le clergé régulier. Le clergé séculier coordonne tous les rites et rituels religieux dans la vie civile. Le clergé régulier occupe une importance centrale puisqu’il contribue au salut des Hommes et au renouveau théologique. Les moines éthiopiens suivent la règle de Saint-Antoine, le moine ermite. Ce moine né en Egypte est connu pour une stricte application de la Bible: il se sépare de tous ses biens et se retire du monde des hommes pour s’adonner à la méditation dans le silence et dans la privation de tout élément terrestre qui peut le détourner de la prière. La tradition est toujours présente :les jeunes moines se vêtissent très simplement, se nourrissent d’aliments sans goût en petites proportions et font voeu de célibat et de pauvreté. La méditation est la principale activité du moine, son importance est telle que l’auto-privation du sommeil est recommandée pour la prolonger. Nombreux ermites sont connu aujourd’hui pour la stricte application de ces principes et on y accourt de tout le pays pour obtenir leurs bénédiction. A l’image d’Abba Salma, esclave, précepteur, évêque d’Aksoum puis ermite et enfin sanctifié à sa mort, de nombreux ermites deviennent des saints après leurs morts. Actuellement l’Eglise d’Ethiopie est dirigée par l’archevêque d’Addis Abeba.
L’un des lieux saints les plus emblématiques de pèlerinage est surnommé la Jérusalem noire: la cité de Lalibela. Elle fut selon la légende, bâtie par le roi Lalibela en appliquant les plans que Dieu lui a communiqué. Un jour alors qu’il reçoit un breuvage en présent, le goûteur en l’avalant, tombe de suite malade, vomit et devient inconscient. Un chien passant par là, avale le vomi et tombe raide mort. Le roi y voit un signe de Dieu et avale la boisson puisil tombe dans le coma. L’ange Gabriel serait venu chercher son âme pour la transporter auprès de Dieu et c’est à ce moment qu’il reçoit les plans. Une expérience qui aurait duré trois jours. En effet, dans son aménagement, la cité à beaucoups de similitude avec Jérusalem. En outre, elle possède onze églises taillées dans un seul bloc de roche, elles sont d’ailleurs considérées comme patrimoine de l’humanité par l’UNESCO depuis 1978.
Les fêtes sont aussi courantes dans le culte éthiopien, les fidèles s’y retrouvent à cette occasion en communion avec leurs familles, l’Eglise et tous les fidèles. En la matière, la fête de Timkat ( en janvier ) est la plus spectaculaire. A l’image de l’épiphanie, on y célèbre la naissance de Jésus et la visite des rois mages. C’est à cette occasion que les Tabots sortent de leurs églises, lors d’une procession en public, pour converger vers le même point, ils sacralisent un bassin dans lequel les fidèles s’absoudent de leurs pêchés après que la croix de l’évêque ait été plongée dans l’eau.
En outre la singularité de l’Église éthiopienne vient du fait qu’elle a imposé au reste de l’Ethiopie une langue et une écriture. Le Ge’ez n’est aujourd’hui plus parlé mais il reste la langue liturgique qui sert lors des rites et rituels et par laquelle on administre tous les sacrements. Son alphabet a permis un développement historiographique similaire à celui qu’a connu l’Eglise de Rome, à ceci près que les religieux éthiopiens associent la tradition orale au processus de transmission. Par ailleurs, les récits, chroniques, annales et autres écrits sacrés sont illustrés par une iconographie, à ne pas s’y méprendre, quasi-identique à celle qui existe en occident. Enfin l’Eglise éthiopienne a son propre calendrier qui est toujours en vigueur dans les institutions chrétiennes du pays.
En bref, l’Eglise éthiopienne est l’une des plus vieilles au monde, elle a contribué à modeler un pays et le protéger des invasions pendant une période de plus de mille ans. Aujourd’hui encore cette religion concerne une majorité de la population en Ethiopie et continue à inspirer le monde: Le mouvement Rastafari des années 1930 ou encore Marcus Garvey, l’une des figures les plus populaires du panafricanisme, s’en inspirent largement dans leurs quêtes de rapprochement des africains d’outre-mer à leurs continent d’origine. Plus récemment Damian Marley et Nas ont parlé d’Ethiopie comme capitale d’un Etat africain uni dans «Land of promise».
Nas & Damian Jr Gong Marley – Land of promise
https://www.youtube.com/watch?v=xjoCnCaynCM
Voyage en Ethiopie – d’Addis Abeba à Lalibela
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