“Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour avoir comme épouse la mère spirituelle de tous les petits bâtards de Casablanca”.
Lorsqu’on l’interroge sur la perception et la réception de ses actions, voici l’anecdote que nous partage Aïcha Ech Chenna, fondatrice de l’association Solidarité Féminine. C’est en effet ce que lui aurait lancé son mari dans un excès de colère.
« Quand on touche à la femme, on touche au sacré ». Expliquait-elle déjà dans une précédente interview.
Reconnue d’utilité publique par décret royal en 2002 et grâce à ses 31 années de militantisme, l’association représente aujourd’hui une figure pionnière au Maroc en matière de lutte pour les droits des femmes. C’est la première association du monde arabo-musulman à agir publiquement en faveur de la défense des mères célibataires. Ces mères-filles, rejetées par leurs familles pour avoir eu des enfants hors mariages et souvent condamnées à les abandonner, sont l’incarnation absolue de la honte dans une société patriarcale ne reconnaissant pas, ni de droit ni de fait, les relations extraconjugales.
L’ONG a pour but ultime la réhabilitation sociale et économique de ces femmes laissées pour compte et ce, en les aidant à se prendre en charge par elles-mêmes. Cela passe par la formation (qui peut aller jusqu’au diplôme universitaire) comme par la mise en valeur de leurs savoir-faire manuels. Par exemple, tous les vendredis dans le quartier Palmier à Casablanca, ces femmes préparent et vendent le couscous pour la pause déjeuner de leurs voisins en costume-cravate.
Aicha Ech Chenna, après avoir été menacée de mort à plusieurs reprises pour son avant-gardisme, continue de faire preuve d’un courage sans faille dans son combat en ne cédant jamais à l’autocensure. Celui-ci lui a valu en 2000, lorsqu’elle s’exprimait sur les sujets tabous de l’inceste et des mères célibataires sur la chaîne Al Jazeera, d’avoir une fatwa émise contre elle. En contrepartie, ce courage lui a surtout valu de nombreuses distinctions et prix, ainsi qu’une reconnaissance planétaire : « Elle mérite le Nobel de la paix », a déclaré le Nobel de littérature J.M.G. Le Clézio à son sujet.
Mais surtout, voyant sa notoriété et sa légitimité croître, elle obtient du roi du Maroc en 2015, la légalisation de l’avortement en cas de viol, d’inceste ou de graves malformations du fœtus. Une avancée énorme mettant ainsi partiellement fin à des décennies de pratique clandestine, où la malheureuse qui se voyait exposée pouvait risquer de jusqu’à 2 ans de prison.
On peut dire que si les mères célibataires ont été mises à la rue par leur mère-patrie, elles ont assurément trouvé une mère en Aïcha Ech Chenna et un foyer en Solidarité Féminine, ce qui ne peut être que salué.
Pour aller plus loin:
https://womensensetour.com/heroines-2/aichaechchanna/
Article rédigé par :
Aïda Bouhalka
Etudiante en L3 Droit / Sciences politiques
à l’Université Panthéon-Sorbonne, Paris 1.
Corrigé par:
Zeïnab Kaffa
Etudiante en Master 1 d’Audit,
à l’Université Panthéon-Sorbonne, Paris 1.
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