« Fait d’une pierre plusieurs coups » : portrait d’Oumy Seck, pilier du développement local à Thiès (Sénégal)
2005, à Thiès.
Des femmes du quartier Mbour 1, organisées en groupements, décident de réunir leurs forces pour fonder le Centre d’Ecoute et d’Encadrement pour un Développement Durable (CEEDD). Sa présidente, Oumy Seck, est alors pionnière dans ce domaine, dans la deuxième ville du Sénégal. Le développement durable, crédo de cette petite association à la visibilité croissante dans le département de Thiès, c’est le combat de Oumy Seck. Entre trois ou quatre métaphores, quelques dictons revisités et une tasse de tisane bio du jardin, Oumy parcours les quartiers de Thiès, et les bureaux des autorités locales, pour offrir aux centaines de bénéficiaires de la structure des espaces de micro jardinage, des formations professionnalisantes, et une place nouvelle dans la société sénégalaise.
Après une formation de comptable et plusieurs années à manier les chiffres dans les bureaux de la société de chemins de fer de Thiès, Oumy Seck se lance dans sa plus grande passion : le travail associatif pour l’autonomisation des femmes. C’est ainsi qu’elle a créé le CEEDD dont elle assure la présidence depuis 2005. Parvenant à combiner l’autonomisation des femmes et le développement de la communauté locale dans sa dimension territoriale, le CEEDD est une association qui a tout d’abord cherché à promouvoir la santé des habitant.e.s de la ville de Thiès, domaine de prédilection d’Oumy Seck qui assurait, durant de nombreuses années, en parallèle, la présidence du poste de santé de son quartier. Comme la santé passe principalement par la nourriture, le CEEDD propose des formations, aux femmes, aux techniques du micro jardinage “bio” afin d’apprendre aux ménages à consommer des produits sains tout en optimisant et réhabilitant les espaces, souvent dégradés, de la ville. Plus qu’un plaidoyer quotidien pour l’agriculture saine et durable, les programmes du CEEDD sont des remèdes aux maladies liées à l’alimentation et à la malnutrition auxquelles font face les populations les plus sensibles, dont les enfants en bas âge, les femmes enceintes et les personnes âgées. Si les légumes et plantes aromatiques issus d’une agriculture saine et durable rencontrent un franc succès chez les bénéficiaires et les Thiessois.e.s en général, la ville a également pu découvrir récemment les produits transformés par les quelques 400 femmes encadrées par la structure. Jus, sirops ou confitures aux parfums de fruits locaux (bissap, tamarin, pain de singe, ditakh, etc.) sont proposés par le CEEDD qui entend bien élargir son réseau de distribution pour atteindre la capitale sénégalaise.
Mais l’association n’est pas uniquement pionnière en matière d’agriculture urbaine à Thiès. En effet, le CEEDD offre également des formations en couture et teinture naturelle aux femmes de la ville qui peuvent alors montrer l’étendu de leur talent à travers la marque de prêt-à-porter Assamane qui s’est récemment lancée dans la production de linge de maison. C’est dans un esprit d’économie sociale et solidaire que cette marque est née, favorisant l’entreprenariat féminin et le leadership des Thiessoises. Même si la présidente du CEEDD refuse de se dire féministe, ses combats se rapprochent étroitement de ceux menés par ses semblables sénégalaises qui arborent fièrement cette identité. L’association permet non seulement aux femmes bénéficiaires d’accéder à une certaine autonomisation financière grâce aux revenus de leurs ventes, mais elle leur permet également de faire entendre leurs voix au niveau local en les impliquant à part entière dans les prises de décision. Tout cela se fait néanmoins à partir de méthodes de gestion et d’échanges ancestrales qu’Oumy Seck remet au goût du jour. C’est ainsi que des activités de micro-crédit ont régulièrement lieu au CEEDD, basées sur le système de tontine pour permettre aux femmes de constituer des épargnes. Des formations en gestion financière sont ensuite dispensées pour apprendre aux bénéficiaires à bien gérer leur portefeuille et à faire fructifier leurs activités génératrices de revenus.
L’engagement d’Oumy Seck et des femmes qui font vivre le CEEDD a valu à la structure plusieurs récompenses nationales et internationales, dont le Prix des femmes Marjolaine 2016 qui récompense des femmes qui mènent des actions exemplaires dans les domaines de l’agriculture et de l’alimentation durable et responsable, ou encore le Prix Marie-Lise Semblat décerné la même année à l’association pour sa contribution au féminisme territorial d’actions de développement qu’elle mène.
Des campagnes de sensibilisation aux projets de développement et d’empowerment, Oumy Seck inscrit le CEEDD dans un réseau plus large de programmes en faveur des femmes et faits par ces dernières à l’échelle du Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest, avec pour mot d’ordre : « Penser global, agir local » !
Article rédigé par :
Abir Nur
Coordinatrice du Journal d’ESMA N°2.
Diplômée de Licences Histoire/Science politique,
de l’Université Panthéon-Sorbonne, Paris 1.
Relu et corrigé par :
Magali Christophe
Diplômée de Licences Histoire/Science politique,
de l’Université Panthéon-Sorbonne, Paris 1.
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