Malawi à l’honneur – Point Historique

Le soulèvement de Chilembwe

Le 15 janvier au Malawi est un jour férié, le Chilembwe Day. C’est aussi le visage de John Chilembwe qui apparaît sur tous les billets de banque du Kwacha, la monnaie nationale. Qui donc est ce personnage qui semble si important à la société malawienne aujourd’hui et qu’a-t-il réalisé pour avoir un écho encore aussi fort ? J.Chilembwe fut en effet à la tête d’une révolte en 1915, première rébellion conséquente contre le colonialisme européen.

Résultat de recherche d'images pour "chilembwe billet"

Billet de 5 kwacha de 2005, la monnaie nationale malawienne actuelle, sur lequel est représenté John Chilembwe.

Le protectorat britannique du Nyassaland, soumis à la violence coloniale et à la Première Guerre Mondiale

Le Malawi d’aujourd’hui fut un protectorat britannique sous le nom de Protectorat d’Afrique Centrale depuis 1891 puis du Nyassaland de 1907 à 1964. Dans ce contexte impérial colonial, les Européens s’approprient les terres au détriment des Africains et achètent les chefs africains en leur offrant des produits bon marché pour s’implanter sur le territoire. Les paysans africains, travaillent gratuitement ou pour une paye très sommaire sur leurs anciennes terres. Un système d’impôt par hutte est aussi mis en place, dans lequel ceux et celles qui n’ont pas les moyen d’y contribuer sont contraints de travailler gratuitement. En parallèle s’accroissent les rivalités territoriales entre missions presbytériennes et missionnaires catholiques.

Résultat de recherche d'images pour "providence industrial chilembwe"Cours de couture de la Providence Industrial Mission en 1912, avec J.Chilembwe au centre.

Dès 1914 le Nyassaland entre en conflit avec le Tanganyika, région au nord, soumise aux colons allemands. Au total les Malawiens seront très impliqués dans la Première Guerre Mondiale avec environ 19 000 soldats servant dans les King’s African Rifles et 200 000 porteurs en Afrique de l’Est et en Afrique Orientale, où ils sont souvent victimes de maladies.

La fondation de la Providence Industrial Mission, première mission à remettre en cause la tutelle coloniale

C’est dans ce contexte colonial que grandit le pasteur John Nkologo Chilembwe. Recruté par le révérend  Joseph Booth pour l’assister dans son travail, il s’implique dans l’Union Chrétienne Africaine. Ce missionnaire et activiste anglais a pour ambition la libération spirituelle, sociale et économique des africains. Il s’oppose ainsi aux méthodes coloniales employées tout en soutenant la nécessité d’une évangélisation, ce qui le pousse à rompre avec nombre d’autres missions protestantes dont il dénonce un puritanisme hypocrite et un immobilisme face au système inégal et violent.

Dans les dernières années du XIXe siècle, J.Chilembwe accompagne J.Booth aux Etats-Unis, durant lequel il constate la condition des noirs-américains. A son retour il se détache de lui, refusant de conserver une tutelle blanche, pour fonder en 1900 la Providence Indutrial Mission (PIM). Cette Église indépendante est tournée vers l’éducation pluridisciplinaire des africains, enseignant la Bible mais également des notions d’arithmétique, d’anglais, d’histoire et de géographie. Les femmes sont aussi concernées par son projet mais avec des enseignements différents, comme la couture, le tricot ou la cuisine. Fierté de la PIM, une vaste église est aussi bâtie de 1911 à 1913. Cependant la PIM entre rapidement en conflit avec les missions européennes et les représentants officiels du gouvernement colonial en entreprenant l’ouverture de plusieurs écoles de campagne.

Résultat de recherche d'images pour "providence industrial chilembwe"L’église de la Providence Industrial Mission en 1915 juste après l’arrivée de l’armée du gouvernement colonial.

Le soulèvement de Chilembwe, symbole fort du nationalisme

Dans un climat plus que tendu, des rumeurs laissent entendre que les autorités coloniales arriveront le 25 janvier 1915 pour exécuter les membres de la PIM, vus comme une menace politique. J.Chilembwe amorce alors l’organisation d’un soulèvement préventif à cette offensive, dès le 23 janvier.

Dans un premier temps la tentative de prise d’assaut du dépôt d’armes de Blantyre, la plus grande ville du pays, échoue pour cause de mauvaise coordination et manque d’équipement. Dans un second temps, les insurgés réussissent de manière éphémère à s’emparer de terres. Ils décapitent le planteur anglais William Jervis Living, réputé pour sa dureté et son racisme. Ses assistants sont aussi tués, tandis que sa femme et ses enfants sont faits captifs.

Très rapidement, et ce dès le 24 janvier, l’armée coloniale riposte. J.Chilembwe prend la fuite alors que son église est rasée. Les autorités coloniales répriment sévèrement la rébellion avec des exécutions sommaires. On pend en place publique de Zomba des lieutenants de J.Chilembwe, dont on ne retrouve pas la trace.

Cet événement, n’ayant duré que deux semaines, est un symbole nationaliste fort car connu comme un des premiers réels soulèvements contre l’autorité coloniale. J.Chilembwe devient avec lui le premier martyr de la lutte contre le colonialisme, admiré encore aujourd’hui.

Sources :

KALINGA Owen J.M., Historical dictionary of Malawi, Scarecrow Press, 2012/4, pp.89-

91MAKONDESA Patrick, The church history of Providence Industrial Mission, Kachere Series, 2006

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :