Le parcours d’un ecclésiastique au sommet du Congo-Brazzaville
Dans le Congo-Brazzaville post-colonial, on assiste à une simplification des courants idéologiques, souvent rattachés à l’identité ethnique des leaders. Cette simplification idéologique décrivait le « Larisme » comme un courant politique radical, composé à la majorité des ressortissants du département du Pool, au sud du pays. C’est dans ce contexte politique que l’abbé Fulbert Youlou se hissa au sommet de la République du Congo.

Né le 7 juin 1917 à Madibu, l’abbé Youlou a débuté ses études en 1924 dans la mission centrale de Brazzaville. Youlou est baptisé en 1926 sous le nom de Fulbert, et il décide d’intégrer le séminaire de Brazzaville en 1929 où il y réside jusqu’en 1935. L’année suivante, Fulbert Youlou s’est rendu à Akono au Cameroun dans la poursuite de ses études secondaires. Ses études secondaires étaient principalement littéraires, notamment philosophiques. De retour à Brazzaville en 1937, Fulbert Youlou devint professeur au sein du séminaire de la commune de Mbamou, située dans la région du Moyen-Congo. Dans le cadre de sa formation au sein de la hiérarchie ecclésiastique congolaise, il est envoyé à Libreville, au Gabon, pour débuter des études en théologie. De retour du Gabon, il termine sa formation en théologie en 1942 à Brazzaville, simultanément avec la proclamation de Brazzaville comme capitale de la France libre depuis la défaite française en 1940. Le 9 juin 1946, il est enfin ordonné prêtre et il est affecté à la prestigieuse curé (paroisse?) de Saint-François à Brazzaville. Cette paroisse avait une renommée importante au sein de l’Eglise catholique car elle est l’une des plus fréquentées du Congo-Brazzaville par les ecclésiastiques européens. Dans ce milieu, Fulbert Youlou symbolisait parfaitement l’ecclésiastique mariant la culture africaine et les moeurs occidentales.
Cependant, il décide de se lancer en politique en 1946, mais il échoue aux élections du conseil représentatif. L’année suivante, il partit à la conquête du Mari Forestier (actuelle région de la Lekoumou), avant d’acquérir le vote de sa région d’origine, le Pool. Dans ses débuts en politique, Youlou gardait une position prudente vis-à-vis de la puissance coloniale française. Il évitait ainsi de se revendiquer d’André Grenard Matsua (1899-1942), indépendantiste congolais originaire du Pool. Engagé dans une carrière politique, Youlou est rapidement écarté par sa hiérarchie ecclésiastique. En effet, ce dernier se présentait comme le messager d’une collectivité laïque : le peuple Lari. Candidat aux élections législatives de 1956, le candidat Youlou est battu avec 27,1% de voix contre 31% pour Jean Félix Tchicaya et 29,1% pour Jacques Opangault.
Le 28 novembre 1958, le Congo-Brazzaville accède à l’indépendance et à sa tête le premier ministre Fulbert Youlou, chef du gouvernement provisoire de la République du Congo. L’abbé Youlou a réussi à se hisser à la tête du pays en reliant à sa cause les différents leaders politico-ethniques. Il était porté par son parti politique UDDIA (Union Démocratique pour la Défense des intérêts Africains), parrainé par le Conseil Coutumier des chef traditionnels Kongo. Cependant, l’abbé Youlou tenait une position politique trans-ethnique et nationaliste, malgré ses origines Laris-Kongo. Fort du soutien de la France, ancienne puissance coloniale, et de sa position anti-communiste, Youlou se fait élire président de la République du Congo en 1961. Cependant, il ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique congolaise, notamment à cause de l’opposition des communistes et syndicalistes tels que Julien Boukambou.
En août 1963, on s’agitait dans les couloirs de l’Elysée car la situation était grave à Brazzaville, où des jeunes officiers de l’armée congolaise voulait renverser le président Fulbert Youlou. Les émeutes durent trois jours à partir du 13 août 1963. Le 15 août, il fit un discours surprenant en Lari en s’adressant à ses frères Lari-Kongos, et non à l’ensemble de ses compatriotes congolais. Ce discours à caractère ethnique symbolise parfaitement la fin de l’abbé, qui perdit le soutien des Congolais originaires du Pool, majoritaires dans la capitale Brazzaville.
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De plus, ses relations avec le général De Gaulle étaient tendues malgré son soutien sans défection envers la France. Mais la situation à Brazzaville n’était ni sous le contrôle de l’abbé Youlou, ni sous celui des gendarmes français qui furent dépassés par les émeutiers. Abandonné à son sort, l’abbé Youlou est finalement renversé du pouvoir. L’histoire retiendra les larmes de Fulbert Youlou face à ce triste dénouement, et l’échec de sa position ethnique. Dans les lignes de Paris Match, le reporter-photographe Daniel Camus décrit les derniers gestes de Fulbert Youlou à la tête du Congo.
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