Les Etudiants de Panthéon-Sorbonne ont choisi pour cette fois, de vous faire découvrir l’un des plus petits Etats africains : Sao Tomé et Principe. Après la présentation générale et le point historique ; c’est maintenant au tour du point culture. Mais avant tout-propos, il faut se poser la question de la notion de culture, qui, quoi, quand pour qui? Quid d’une notion vague, complexe et galvaudé.
Une question récurrente dans les sciences sociales où chaque discipline à sa définition du terme. Cette même différence dans la définition aboutie à une approche différentielle des cultures et donc une divergence dans les conclusions selon les disciplines. Quoique ces dernières années, grâce à un débat inter-disciplinaires on aboutit peu à peu à une définition commune. Revenons à la culture! Dans le sens commun on comprend généralement: une langue et des pratiques culturelles ou encore et souvent, le capital culturel façon Bourdieu. Et pour cause les anthropologues Alfred Kroeber et Clyde Kluckhohn ont publiés en 1952 (1) plus de cent cinquantes variantes de la définition du mot. Toutefois la pluralités des définitions et des approches n’empêchent pas le consensus, tout comme la nuance n’empêche pas les généralités. Edward Taylor par exemple défini la culture en 1871 comme étant « ce tout complexe comprenant à la fois les sciences, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes et les autres facultés et habitudes acquises par l’homme dans l’état social »(2). Une définition aujourd’hui partager avec quelques nuances par l’UNESCO (3). Ensuite se pose la question de l’interaction entre identité et culture dans le champs social, question cruciale pour comprendre la société santoméenne et de comprendre en substance le rôle de la culture dans la sociétée. L’identité c’est ce concept qu’on définit comme un ensemble caractérisant un individu ou un groupe d’individus et justement la culture est dans ces critères, d’où la relation intrinsèque des deux notions. La culture est donc une notion que les individus intériorisent et vivent de façon intime car il caractérise en partie son identité individuelle et son identité collective. Enfin ni la culture, ni l’identité sont des notions figés mais qu’il faut voir comme des constructions mouvante fortement sujette au contexte dans lequel elles sont définie. Puisque le format du présent article ne permet pas une étude approfondie des termes analysées mais qu’il autorise tout de même une brève énonciation de conclusions substantielles, étudions plutôt ce rapport identité/culture appliquée à la société santoméenne.
Structure socio-culturelle de Sao Tomé et Principe
Pour les lecteurs assidus, vous avez pu d’ores et déjà commencer à faire connaissance de la société santoméenne à l’occasion de nos derniers points ( Présentation générale, point historique). Pour les auteurs, une énonciation rapide en quelques point est de rigueure. Sao Tomé et Principe est un archipel composée de deux îles principales pour une population d’environs 200 000 âmes. Un archipel d’origine volcanique et qui fut inhabités avant le XVe siècle selon les études historiques en vigueure. Elle fut occupée par les portugais à partir du même siècle et ont fait venir des populations africaines dans le contexte de la traite trans-atlantique pour une part, et de la colonisation d’autre part. L’indépendance est obtenue en 1975 soit un an après “la révolution des oeillets” au Portugal.
La langue présence portugaise et la mainmise qu’ils ont eu sur l’archipel à contribué à une stratification sociale de la population en plusieurs groupes sociaux différents. La divergence entre ces groupes sociaux sont multiples : la langue, la culture, l’histoire et l’identité. A l’échelle de l’Etat, on peut déjà comprendre que la société santoméenne est multilingue. Le portugais d’abord, le santomense et le principense ensuite. La première rappelle que durant plusieurs siècles, l’archipel s’est structurée autour de cette langue qui fut celle de l’administration, des propriétaires fonciers, de l’autorité publique sur l’île et même de l’éducation. Les secondes montrent la pluralité de l’île: le santomense et le principense sont deux créoles qui se sont développés à partir d’une base syntaxique portugaises.
Deux îles, deux langues donc un développement culturel différent en somme. En plus d’être multilingue, la société santoméenne est multi-culturelle. S’il existe une identité commune aux santoméens due à la récente histoire nationale, il existe aussi une pluralités identitaire sur plusieurs niveaux. Une pluralité qui s’est construite sur le temps pour aboutir à une stratification de la société. On peut observer que la société est composée : des Forros que l’on appel aussi “Filo de terra”, Angolares, Serviçais et Tongas.
– Les Angolares sont d’anciens esclaves réfugiés dans le sud de l’île Sao Tomé et qui sont connu pour leurs révoltes à la fin du XVIe siècle, ces populations sont caractérisées principalement comme des africains. Et pour cause, plusieurs études remontent les traditions culturelles de cette population aux populations bantoues notamment et surtout en Angola. L’Angola, créole parlée par cette population est d’ailleurs emprunt du bantou.
– Les Forros sont d’anciens esclaves devenues libres en 1878 après l’abolition de l’esclavage. Ces populations créoles sont caractérisées pour leur métissage. Ils se reconnaissent pour origine à la fois africaine et à la foie portugaise. C’est une population créole, qui se reconnaît en tant que telle. Il existe plusieurs marqueurs culturels pour reconnaître les Forros et leurs familles: la désignation patronymique, les familles Forros ont développé une façon typique de plier les serviette de table par exemple.
– Les Serviçais sont les travailleurs originaires du Mozambique, d’Angola et du Cap-Vert, amenés par les portugais dans le contexte colonial, pour pourvoir à la carence de main d’oeuvre dans les roças.(4) Leurs enfants nés sur l’île portent le nom de Tongas.
– Les Européens sont souvent d’anciens colons portugais restés sur l’île pour une part et des portugais nouveau-arrivant pour l’autre part. Il s’agit aussi pour une part très mince d’investisseurs étrangers.
– Les Métisses sont pour les définir rapidement, cette catégorie de personnes qui peuvent être mis dans plusieurs autres catégories et aucune à la foie. Population issues de plusieurs origines culturelles à la foie.
Cependant cet ensemble disparat fut rassemblé à partir des événements politiques qui ont mené l’archipel à son indépendance. Les massacres de 1953 (5) d’un point de vue identitaire, est suivi rapidement d’une prise de conscience de la nécessité de l’unité. En effet, la facilité avec laquelle le Gouverneur colonial de l’île Sao Tomé a retourné une population contre une autre, laisse de l’évènement un goût de poudre: l’unité est devenue une nécessité sinéquanone à une future République Santoméenne. Le nationalisme santoméen a fédéré tous les habitants de l’archipel derrière une identité transcendante et s’accommodant des particularismes culturels. Il n’est pas étonnant qu’à côté de l’hymne national “Independência total”, les attributs de la République sont souvent axés sur l’unité, en témoigne la devise : Unidade, Disciplina, Trabalho. (6)
Ce diaporama nécessite JavaScript.
Expression culturelle santoméenne
Comme partout ailleurs où il y’a être humain, il y’a expression culturelle. Les expressions culturelles santoméennes sont nombreuses, prolifiques et emprunt des cultures de l’archipel, porteuses des expressions des générations passées mais aussi des nouvelles ! En musique, théâtre, poésie, danse, les santoméens sont expressifs dans plusieurs registres.
Pour commencer, connaissez-vous le Tchiloli ? Peu importe la réponse, la vue d’un tel spectacle mérite le détour. C’est une façon de mettre en scène une pièce de théâtre tragique inspirée de l’époque de Charlemagne propre aux santoméen. La pratique débute au XVIe siècle lorsque les esclaves acheminés des côtes voisines appartenant au continent noir, commencèrent à poser les questions de leurs origines africaines. Alors qu’à l’époque sur l’île les arts, les traditions et les danses africains furent proscrits, un drame carolingien inspire les santoméens qui réinvente alors le conte. D’une mise en scène classique l’on passe à une mise en scène folklorique. D’abord on injecte des pas de danse entre chaque tirade. Ensuite on y ajoute de la musique et sur ce point tous les instruments sont admis, qu’ils soient portugais ou africains. et la troupe de théâtre n’est pas limitée en terme d’espace, le théâtre de Tchiloli ne se joue pas sur une scène mais sur une aire de jeu. De l’église au cimetière, toute la localité peut être mobilisée pour une représentation. Si le scénario est figé, les détails, les danses et les musiques varient selon les troupes. Les coustumes par ailleurs sont une occasion récurrente à des anachronismes déroutants néanmoins divertissants. L’originalité de ce théâtre, propre aux santoméens, réside dans le parfait emboîtement entre musique, danse et tragédie. Particulièrement appréciés par les natifs, ce fut aussi l’occasion de dénoncer les injustices subies dès le XVIe siècle, ainsi que de revendiquer vers le milieu du XXe siècle, une identité propre aux santoméens et c’est aujourd’hui l’occasion de rendre hommage aux ancêtres. La plus grande représentation de Tchiloli est donnée annuellement lors de la saint-Laurent et porte le nom de “Auto de Floripes”.
D’un point de vue musicalité, l’archipel n’a jamais mieux mérité son surnom des îles du milieu de la terre : c’est un brassage entre sonorités africaines, lusophones et autres musiques du monde. Chaque génération a sa musique, il est vrai que la musique santoméenne de nos s’est actualisée aux couleurs des pays africains voisins d’une part et du monde d’autre part. Mais pour qu’il y’est continuité, il faut une constante et cette dernière s’est construite quelques années avant l’indépendance. Une constante influencée par des groupes tel que Africa Negra, le groupe santoméen le plus connu à l’intérieur et en dehors des frontières. Le groupe se forme en 1974 et connaît rapidement la consécration internationale dans les années 80. Leur musique fut alors jouée dans les fundoes, sorte de bal populaire où se mêle jovialiste, musique et mixité sociale et culturelle. Mélange de rythmes africains traditionnels et de rythmes modernes, la rumba aux accents santoméens continue d’influencer les nouvelles générations, bien que l’on note que ces dernières sont aussi attentifs aux nouveautés musicales de l’espace du golf de Guinée.
D’un point de vue culinaire, la cuisine santoméenne est un brassage entre la cuisine portugaise, lusophone et africaine. Le maïs est l’un des ingrédients les plus utilisés, bien que le manioc et le riz soient présents dans plusieurs plats. Les fruits tels que la banane, la mangue et les noix de coco ont beaucoup de succès par ailleurs. Mais ce qui fait la réputation de l’île c’est le cacao, à la fois lié à l’histoire douloureuse de l’archipel et à la fois reconnu comme l’un des meilleurs du monde. Après l’indépendance, l’exploitation de ce qui aurait pu être un secteur porteur fut laissé à l’abandon et pour cause: l’économie du cacao fut associée à la condition servile des natifs. Il faut noter toutefois l’installation de plusieurs chocolatiers européens sur l’île et qui installent leurs exploitations et des laboratoires. Si bien que les îles chocolats passent de producteurs de fèves en quantité à une production de qualitée. De plus le sol volcanique de l’île donne un arôme particulier à la fève de cacao. Aujourd’hui ce secteur est à la fois la marque de raffinement des produits santoméens et une promesse de revenus élevés pour Sao Tomé e Principe.
(1) Cary Nelson et Dilip Parameshwar Gaonkar, Disciplinarity and dissent in cultural studies, éd. Routledge, 1996, p. 45
(2) Edward Burnett TYLOR, LA CIVILISATION PRIMITIVE. Tome premier. Traduit de l’Anglais sur la deuxième édition (1873) par Pauline Brunet. Paris: Ancienne Librairie Schleicher, Alfred Costes, Éditeur, 1920, 584 pp.
Votre commentaire