
Il y a quelques jours de cela François Ladrezeau, chanteur et musicien du groupe Akiyo réussissait à se qualifier pour l’émission de télécrochet The Voice sur TF1 grâce une remarquable performance Gwo Ka. Dans cet article nous allons revenir sur cette musique traditionnelle guadeloupéenne de ses origines africaines à sa version d’aujourd’hui. L’origine du mot Ka ou Gwo Ka demeure très ambigüe. Il viendrait d’un quart de tonneau qui servait au transport de la viande (quart de salaison), ou serait la forme francisée de Goka nom troqué du tambour N’goka que l’on retrouve au Kongo : en créole les Ka. On retrouve le mot Ka et Gwo Ka avec peu de variantes à la Nouvelle Orléans, en Haïti, à Cuba et aux Iles vierges. C’est un langage d’origine africaine né de la traite des noirs devenue depuis l’une des musiques traditionnelles emblématiques de la Guadeloupe.

Le Gwoka se divise en sept rythmes distincts et est joué par un ensemble de deux tambours que sont le boula, qui va jouer le rythme central, et le maké (“marqueur”) qui va marquer la mélodie suivie par le chanteur, les danseurs et les répondè (le choeur). D’abord le Toumblak premier rythme qui comme le Kaladja, reprend le thème de l’amour, la danse du ventre, la danse de la fertilité, de la terre ensuite le Kaladja qui lui symbolise la lutte en amour. Viennent ensuite successivement le Woulé la « valse créole » pour charmer et ironiser sur le blanc, le Padjambèl la danse des travailleurs pour la coupe de la canne, le Mendé qui serait le dernier rythme arrivé au pays avec la venue des congos sous contrat après l’abolition. Il symbolise le carnaval, la fête collective.
Il y a six rythmes différents dans le Mindé. A ce jour, nous n’en connaissons que trois (le Mindé même, musique à mass à Kongo et un dérivé du Mass à Saint-Jean).Enfin le Graj accompagne les travaux de production agricole (exemple : le grage manioc, le jardin, la cueillette) tandis que le Léwoz dernier ryhtme est un rythme guerrier, qui rythmait les attaques de plantations, mais aussi une danse incantatrice.
Origine des léwoz (souvent le vendredi soir)
Le Léwoz justement est également le terme en usage pour nommer ces soirées musicales dansantes au son du tambour Ka. Elles ont elles aussi pour origine l’esclavage car hérité de ces soirées de fin de semaine où les esclaves après une rude semaine dans les champs se retrouvaient le temps d’une soirée pour danser et chanter de façon à oublier le temps d’une nuit leurs difficiles conditions de vie. De nos jours ces léwoz remis au goût du jour ont généralement lieu le vendredi, héritage du passé esclavagiste de l’île, où tout le monde se retrouve autour des cogneur Ka, les tambouyè.
Le Gwo Ka influe aussi sur les autres styles musicaux guadeloupéens. Ainsi on retrouve dans certains groupes carnavalesques guadeloupéens une musicalité est une chorégraphie en partie inspirée du Gwo Ka. On peut ainsi citer le Gwosiwo rythmique reprenant l’usage du tambour Gwo Ka caractéristique des groupes de carnaval du sud Basse-Terre. De même au travers de la culture des mas comme le mas a kongo ou le mas a senjan dans les groupes à po (groupes utilisant les tambours à peau d’animal, les conques à lambi et les chacha) on retrouve l’inspiration Gwo Ka dans un but de défoulement mais aussi d’hommage à la lointaine Afrique et d’affirmation de la culture guadeloupéenne. Un des groupes emblématiques précurseur des groupes à po est Akiyo autour du mas a senjan dont est issus Ladrezeau.
Citons ici quelques unes de leurs chansons :
Sen Jan – Akiyo
Le début de la chanson raconte une histoire pour ensuite aborder un côté mystique/conte qui rappelle aux origines africaines du Gwo Ka : Le volant et le soukougnian : des esprits de la nuit qui viennent persécuter les vivants.
Akiyo La O La’w Kale Konsa
Rythmes carnavalesques qui s’inspirent du Gwo Ka sans en être : un rappel aux origines africaines et au Mas a Kongo
“Donne leur ce qui est à eux, donne leur le Mas a Kongo »
Le Gwoka se pose donc comme une musique emblématique de la Guadeloupe, rappelant dans ses sonorités et dans ses danses l’héritage africain apporté par les esclaves et les travailleurs africains sous contrat. Malgré une perte de vitesse voir un certain rejet dans les années 1960-1970 car considéré comme étant une musique de vyè neg, le Gwoka s’est modernisé et s’est imposé comme une part importante des traditions à préserver en Guadeloupe. Ainsi depuis le 26 novembre 2014, le Gwoka est reconnu au niveau international puisqu’il est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
Pour aller plus loin :
Le groupe Kan’inda interprétant un chant Gwoka : https://youtu.be/cFjMR4IiFJM
Les sept rythme du Gwoka : https://youtu.be/vzW3a8rZ7Zo
Un léwoz par Akiyo : https://youtu.be/7-04qx60V7g


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