L’unification des peuples sothos par Moshesh Ier face aux raids zulus
L’histoire de l’unification des tribus sothos par Moshesh Ier, à l’origine de la création du Basutoland, puis du Lesotho est indissociable de l’histoire de l’expansion zoulou, sous le règne de Shaka.
Au cours de la 1ère moitié du 19ème siècle, les Zoulous organisaient des raids contre les petites chefferies à proximité de la côte est de l’actuelle Afrique du Sud. Ceux-ci se sont largement accélérés sous le règne de Shaka, de 1818 à 1826, donnant lieu à une véritable politique zoulou de conquête territoriale, et à une organisation militariste du royaume. Cette expansion violente allant de pair avec une incorporation des vaincus dans son armée. L’impi zoulou de Shaka s’est largement renforcée et a continué son expansion territoriale vers l’est, forçant les petites tribus de cette région à fuir à l’approche des envahisseurs. Ce mouvement de migration chaotique induit par la fuite des populations face à l’arrivée zoulou s’appelle le Mfecane. Celui-ci a profondément bouleversé la carte de la région et la répartition des peuples en Afrique australe, puisqu’on considère que cet exode est à l’origine de la migration de plusieurs centaines de milliers de personnes. Entre la poussée zoulou à l’Est et la poussée boer (colons d’origine hollandaise présents initialement au Cap) depuis le Sud , de nombreux peuples qui n’ont pas su s’adapter ont ainsi été contraints à l’errance, à l’assimilation ou à la destruction. Ce Mfecane est tragique en raison de la violence de l’expansion de Shaka, qui pratiquait la stratégie de la terre brûlée et le massacre des peuples résistants. Il a toutefois eu une importance historique centrale dans la reconfiguration des groupes sociaux et ethniques dans la région. Il est ainsi à l’origine de l’union des Swazi (à l’origine du Swaziland) ou des Tswana (à l’origine du Botswana), mais également des peuples sothos autour du roi Moshesh Ier, et à l’origine de la formation du Basutoland, ancêtre du Lesotho.

Ce contexte est important pour comprendre comment a émergé chez les différents clans sothos, la figure de Moshesh Ier, considéré comme père fondateur du Basutoland, donc du Lesotho. Moshesh Ier (ou Moshoeshoe) est né en 1790 dans le nord de l’actuel Lesotho, et mort en 1870 au Basutoland.
Lepogo, de son nom de naissance, devenu Letlama (signifiant « le lieur ») suite à son initiation, est le fils aîné de Menkhoaneng, un chef koena de second rang, parmi un groupe de Sothos. Il s’est rapidement illustré dans sa jeunesse en aidant son père à s’imposer face à d’autres chefs sothos mineurs, notamment via la pratique du vol de bétail, très importante dans cette région. Suite à un raid particulièrement bien mené, il prend en 1809 le nom de Moshoeshoe, ou Moshesh, rappelant le bruit d’une lame de rasoir. Ses vols de bétail se transformèrent rapidement en conquêtes territoriales face à des petites tribus qu’il unifie progressivement autour de lui, ce qui le conduit à former son propre clan sotho dans les années 1820.

Dans le contexte du Mfecane et face à l’arrivée imminente de Shaka Zulu, Moshesh et son clan se réfugient dans les montagnes du Butha-Buthe, au Nord de l’actuel Lesotho. En 1824, ils s’installent dans la forteresse de Thaba Bosiu, qui permet à Moshesh Ier et ses sujets de se protéger des ravages du Mfecane. Cette forteresse naturelle était réputée imprenable grâce à son large plateau permettant d’y faire pousser de la nourriture et ainsi de tenir un siège, mais aussi en partie grâce à la légende sotho selon laquelle la montagne grandissait la nuit pour protéger ses habitants, avant de reprendre une taille normale le jour. Grâce à la situation idéale de sa place forte, Moshesh Ier a pu offrir un abris et une protection à tous les Sothos qui fuyaient les Zoulous. En plus d’avoir développé les fortifications, il a également combattu les zoulous via des raids rapides de cavalerie, permettant de repousser l’armée de Shaka, puis d’étendre le territoire des Sothos. C’est donc sous la pression zoulou que les différents peuples sothos se sont unis autour de Moshesh Ier dans les années 1820.
Stratège pragmatique, Moshesh Ier a ainsi pu assurer la protection du peuple sotho pendant le Mfecane, avant de se muer en habile diplomate face à la menace cette fois venue du Sud : celle des colons blancs. Après avoir résisté contre des incursions britanniques et boers dans les années 1840, puis après une guerre de 12 ans (1856-68) contre les Boers, Moshesh Ier a demandé la protection britannique en 1868. Ces négociations ont entériné la création d’un nouvel État sous protectorat britannique, le Basutoland, préservant la communauté sotho de la brutalité des Boers, puis plus tard de la gestion violente des peuples autochtones par les autorités sud-africaines.
Le souverain décédé en 1870 est aujourd’hui une figure centrale de l’histoire du Lesotho, et un jour férié en son honneur est célébré le 11 mars pour commémorer l’anniversaire de sa mort. L’aéroport international de Maseru porte également son nom.
Bibliographie:
« MOSHOESHOE Ier ou MOSHESH » (1790-1870) », Encyclopædia Universalis, 2018.
« MSHWESHWE» Encyclopædia Britannica, 2008
« SOTHO ou SOUTHO », Encyclopædia Universalis , 2018.
THOMPSON Leonard Monteath , Survival in two worlds : Moshoeshoe of Lesotho, 1786-1870, Clarendon Press, Oxford, 1975.
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