Mansa Musa, un roi en or ?

 

Mansa Musa, un roi en or ?

Cet article portera sur l’Empire du Mali et la personnalité d’un de ses empereurs, Mansa Musa. Il est important de préciser que le sujet demeure pauvre en ressources écrites. Ainsi, les informations utilisées pour cet article sont principalement issues de sources orales et archéologiques. A cet effet, nous rappelons à nos lecteurs que les dates et les chiffres qui figurent dans cet article ne sont que des estimations faites par des historiens et des chercheurs. 

L’Empire du Mali naît par la victoire de Soundiata Keïta (1190-1255) sur Soumaoro Kanté. Si l’on sait que Mansa Wulen succède à son père Soundiata Keita, il est ensuite difficile d’établir la suite des successions. Certains spécialistes évoquent le destin de Sakoura, un ancien esclave qui s’empare du trône et meurt au retour de son pèlerinage. Cette histoire saccadée nous mène à Kankou Musa, fils de Kankou aussi connu sous le nom de Mansa Musa. Ce prince légitime devient Mansa (1) du Mali en 1307.

Son règne fait de lui l’une des figures les plus importantes de l’histoire d’Afrique “médiévale”. Pour preuve, quelques temps après sa mort, l’empereur apparaît sur l’Atlas catalan de 1375 (atlas de référence à l’époque), représenté avec une pépite d’or dans la main. On peut y lire qu’il est “le plus riche et le plus noble seigneur de toute cette partie par l’abondance de l’or qui se recueille en sa terre” (2) . En effet réputé pour sa richesse incalculable, il est encore aujourd’hui considéré comme l’homme le plus riche de tous les temps, devançant de très loin Jeff Bezos (Amazon) ou encore Bill Gates (Microsoft).

Mais s’il est aujourd’hui connu pour son extraordinaire richesse, cette dernière est-elle la seule spécificité du règne de Mansa Musa sur l’Empire du Mali ?

 


(1) Mansa signifiant roi des rois

(2)  F. SIMONIS, L’Empire du Mali d’hier à aujourd’hui (2015)

 

Atlas Catalan (1375)

Sur quel Empire régnait Mansa Musa ? 

L’appellation “Empire du Mali” dissimule toute l’étendue du territoire sur lequel régnait Mansa Musa. En fait, le pays était composé de l’actuel Burkina-Faso, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée et la Guinée Bissau, d’une partie du Ghana, d’une partie de la Mauritanie et enfin, d’une partie de la Côte d’Ivoire. L’étendue de l’empire explique peut-être son organisation : il était fait d’un groupement de royaumes ayant prêtés allégeance à l’empereur. Concernant la capitale de l’Empire, on l’établit à Niani, ville dont l’emplacement géographique estimé à la frontière entre la Guinée et le Mali actuel ne fait pas toujours l’unanimité. 

Comment accéder au trône ?

Nous l’avons dit, retracer les différents empereurs du Mali est une tâche difficile (voire impossible) à réaliser aujourd’hui. Cependant, la tradition veut que la succession d’empereur à empereur se fasse par les liens fraternels. Ainsi, seul le frère du défunt doit pouvoir accéder au trône (ce qui dans l’histoire de l’Empire du Mali n’a visiblement pas toujours été le cas). La succession par le fils qui a entre autre bénéficiée à Mansa Musa était donc exceptionnelle. 

Une organisation métissée

Dès son arrivée au pouvoir, Soundiata Keïta instaure une représentation pour chacune des provinces de l’Empire. Le pouvoir central se dote également de l’équivalent d’un premier ministre, de préfets et de gouverneurs… Mais l’organisation de l’Empire répond à deux traditions gouvernantes : une tradition religieuse musulmane qui légitime le Mansa au pouvoir et une tradition africaine subsaharienne endogène. Cette organisation politique métissée se retrouve aussi dans la population. En effet, si elle est la religion de l’empereur et de la classe dirigeante, le territoire n’est pas pour autant islamisé, la majorité de la population ayant conservé ses croyances initiales.

Une richesse incontestable 

Au XIVe siècle, l’or prolifère en Afrique de l’Ouest : gisements et cours d’eau des régions du Bambouk (Sénégal) et Bouré (Guinée) (3) sont exploités par les esclaves de l’Empire…

Les esclaves, richesse de l’Empire ? 

Pour bon nombre de spécialistes, l’esclavage est également l’un des facteurs de richesse de l’Empire du Mali. Pourtant, la pratique de l’esclavage semble avoir été abolie sous Soundiata Keïta… En effet, le premier empereur de l’Empire du Mali est connu pour être l’initiateur de la Charte du Manden (1222), aujourd’hui présente au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Dans cette Charte de tradition orale, se trouve des notions telles que le droit de vivre, la liberté et l’égalité, soit des principes radicalement contraires à la pratique de l’esclavage. Néanmoins, nombreux sont les historiens qui évoquent la présence d’esclaves sous le règne de Mansa Musa, notamment lors de son pèlerinage en 1324 où la caravane du Mansa était composée de courtisans, de chameaux, mais également d’esclaves (que l’on dénombre à  12 000). Il est même dit que Mansa Musa achète, lors de son escale au Caire chanteuses et femmes…

Un pèlerinage doré

Le pèlerinage de Mansa Musa est connu pour avoir été le plus faste de tous les pèlerinages des empereurs du Mali. On rapporte qu’il part en 1324 accompagné d’esclaves, de soldats, de courtisans et de plus de 150 kilos de poussière d’or, que l’empereur distribue à qui veut bien. Durant le pèlerinage, lors d’une escale au Caire, il est dit que le roi des rois dépense tellement d’or qu’il en fait chuter le cours de celui-ci. Si ce pèlerinage met en avant l’immense richesse et générosité du Mansa, il est également un moment important pour l’image politique et le développement culturel de l’Empire.  

 


(3) F. SIMONIS, L’Empire du Mali d’hier à aujourd’hui (2015)

 

Mansa Musa: The Lion of MaliLeo et Diane Dillon

 

Développer l’Empire

En 1337, peu de temps après son retour, Mansa Musa meurt entraînant avec lui la chute de son Empire qui succombe aux rébellions et à la perte de son influence sur le Sahel face à d’autres puissances émergentes de la région comme les Touareg et les Songhaï. Il faut dire que Mansa Musa n’était pas un guerrier ; lui qui n’a mené aucune expédition conquérante a préféré développer son Empire autrement.  

Mansa Musa le bâtisseur 

Avant de mourir, le Mansa de l’Empire du Mali s’est attaché à laisser son empreinte. En fait, le pèlerinage est un épisode crucial dans le règne du roi des rois. Ainsi, à son retour il entreprend de construire différentes infrastructures, notamment dans la ville de Tombouctou. En musulman très pieu, il rend hommage à Allah en construisant plusieurs mosquées dont une à Tombouctou réalisée avec l’aide de l’architecte et poète Abou Ishaq es-Sahéli (1290-1346). 

La grande mosquée de Tombouctou – Edmond Fortier

 

 

De grandes structures où sont enseignées l’Islam sortent également de terre mais pas seulement. L’enseignement des sciences dites profanes (sciences dures) est aussi pratiqué, notamment dans les Madrasa dont la plus connue est celle de Sankoré. Ces équivalents de collèges supérieurs prouvent bel et bien l’attachement de Mansa Musa à l’enseignement et plus généralement à la culture. Dans la Madrasa de Sankoré, on a pu compter jusqu’à 25 000 étudiants et sa bibliothèque était considérée comme la plus riche d’Afrique (700 000 manuscrits environ). 

 

La grande Madrasa de Sankoré – Edmond Fortier 

 

En plus de ces initiatives, Mansa Musa achète lors de son pèlerinage une multitude d’ouvrages (en langue arabe, langue qu’il maîtrisait d’ailleurs à la perfection) pour nourrir ses bibliothèques. Mais comparé à d’autres empires musulmans de la région, la production culturelle et scientifique de l’Empire du Mali reste pauvre… Dès son retour Mansa Musa s’entoure donc d’érudits et de savants qu’il encourage à écrire. 

Si elles sont certes culturelles, toutes ces initiatives ont surtout une portée politique. Pourquoi ? Parce que Mansa Musa à d’autres projets pour son Empire, qui était déjà considéré comme une puissance commerciale : en faire une puissance influente dans le monde.

Le développement des relations extérieures 

Au retour de son pèlerinage, Mansa Musa a déjà commencé à développer l’image de son Empire. C’est grâce à ce pèlerinage que le roi des rois se fait un nom dans la bassin méditerranéen. Après avoir ébloui ses homologues par sa culture, sa maîtrise de l’arabe et sa richesse, il est désormais impossible d’ignorer l’existence de l’empire du Mali et de son roi, en témoigne l’apparition du roi des rois dans l’Atlas catalan au XIVe siècle.  Mansa Musa développe également des relations diplomatiques avec le Portugal, l’Egypte, la Sicile et les pays du Maghreb, dont les liens restent plus forts pour des raisons géographiques, culturelles et religieuses. Ce développement des relations extérieures sert un temps l’économie de l’Empire, qui voit affluer sur son territoire des marchands venus de Venise, de Gênes ou encore de Grenade. 

En somme, s’il est vrai que la richesse de l’Empire et de son dirigeant est impressionnante et inégalée jusqu’à aujourd’hui, il ne serait pas juste de se souvenir du 10e Mansa de l’Empire du Mali pour cette unique raison. Mansa Musa a également permis le développement culturel et scientifique de l’Empire, avant cela uniquement connu pour son commerce, faisant alors de l’Empire un incontournable de l’histoire africaine. 

 

Bibliographie

F-X. FAUVELLE et C. ROBION-BRUNNER, Les routes de l’or africain au Moyen Âge (https://www.academia.edu/31603796/Les_routes_de_lor_africain_au_Moyen_%C3%82ge

N. MORCOS BELL, The Age of Mansa Musa of Mali: Problems in Succession and Chronology (1972)

F. SIMONIS, L’Empire du Mali d’hier à aujourd’hui (2015) 

D. TAMSIR NIANE, Dans Histoire des Mandingues de l’Ouest (1989)

A.THOBHANI, Mansa Musa : the golden king of ancient Mali (1998) 

MORGANE
LABBE Morgane, M2 en Relations internationales et action à l’étranger

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