La Case “Obus” au Pays Mousgoum

L’architecture des Monjokoy

 

Les Mousgoum se situent dans la vallée du Logone, une rivière formée au Tchad et qui sépare le Tchad du Cameroun. Ils se dispersent entre le nord-Cameroun, le sud-ouest du Tchad et l’est du Nigéria.

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Le peuple est originellement païen et était l’un des seuls peuples païens de la région. Historiquement, la région du Logone faisait partie de l’empire Kanem-Bournou qui s’étalait du Nigéria au Tchad au Sud et jusqu’en Libye au Nord. L’empire était dirigé par la dynastie Duguwa au 8ème ou 9ème siècle. C’est au XIème siècle que cette dynastie est remplacée par une autre : les Sayfawa. Avec leur arrivée au pouvoir s’en est suivie une islamisation de l’empire. L’empire chutera au 19 ème siècle. C’est dans la première partie du XXème siècle que le peuple Mousgoum connaît une islamisation rapide.

           Les Mousgoum se qualifient de « grands pêcheurs ». Une partie du peuple se situe à l’intérieur des terres et une autre le long du Logone. Avec deux espaces occupés différemment s’accompagnent deux modes de vie distincts, deux façons d’exploiter les ressources naturelles et deux économies différentes. La partie du peuple vivant le long du Logone pratique la pisciculture. Ils pratiquent différentes techniques de pêche propres à leur milieu telle que le sakama (filet à poche en forme de cône utilisé sur pirogue) ou encore les daiya (panier de pêche accroché à un barrage). L’autre partie du peuple vivant à l’intérieur des terres pratique l’agriculture. La culture de graines et de céréales telle que le sorgho et le riz se fait proche ou entre les cases.

 

La case « obus » est une habitation en forme de dôme. Elle est qualifiée d’obus par les premiers occidentaux ayant découverts cette case dont la forme était semblable à un obus. Pour les Mousgoum, on l’appelle teleuk.

Elle est construite sans fondation, échafaudage ni armature et est faite avec des matériaux tels que l’argile, la terre ou encore le fumier animal. Les matériaux sont mélangés avec de l’eau et des matières organiques afin d’assurer l’imperméabilité et la cohésion de la case. La construction des murs, au fur et à mesure qu’ils s’élèvent, s’incurvent de plus en plus jusqu’au sommet où on laisse un trou d’aération pour que l’air puisse circuler, que la fumée de la cuisine puisse s’échapper et pour laisser un point de lumière entrer dans la case.

Le teleuk peut s’élever jusqu’à 20 mètres de hauteur avec un diamètre de 7 mètres ou plus et une épaisseur des murs d’environ 30 cm. Au niveau du sommet de la case, il y a des moulures en relief qui forment des « bourrelets ». Celles-ci servent d’échafaudage lors de la construction, permettent de grimper au sommet pour en faire une tour d’observation et aussi à l’eau de pluie de s’écouler.

Une concession se compose en général de 5 cases qui se partagent entre les femmes, la cuisine, le chef de famille et le bétail. Par la suite, la construction s’étendra avec une case pour accueillir la belle fille et une autre pour stocker les céréales et les graines.

Le patrimoine architectural est menacé. Le peuple Mousgoum a été un peuple célèbre mais mal connu. C’est à partir du 19ème siècle avec les premiers explorateurs centrafricains qu’on s’intéresse à eux.  C’est l’un des rares peuples païens de la région, haut en couleur avec des habitations d’une beauté simple. Mais à partir des années 1830, on considéra qu’il n’y avait plus rien à apprendre de cette ethnie et cela a été renforcé par la dislocation de la société avec leur islamisation rapide. Depuis, le désintérêt scientifique porté à leur égard s’est accompagné d’un désintérêt de leur héritage culturel et du savoir-faire nécessaire à la construction des teleuk.

Mais la case « obus » est un élément constitutif de l’identité des Mousgoum, alors une mission de préservation du patrimoine architectural a été lancée.  Dans les années 1990, l’association des élites Musgum de Maroua sous l’impulsion de l’architecte franco-camerounais Haman Mohaman trouve comme partenaire l’association Patrimoine sans frontière pour réaliser ce projet. Un chantier-école a été mis sur pied par la suite avec des maîtres bâtisseurs camerounais et des jeunes apprentis pour perpétuer le savoir-faire.

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La notoriété et la prospérité de la case « obus » est désormais assurée. Une notoriété qui va jusqu’à la planète Mars ! En 2019, au concours 3D Printed Habitat Challenge (concours consistant à imaginer des maisons pour des astronautes en mission sur Mars), la NASA a désigné le projet MARSHA comme gagnant. Le projet s’inspire de la case teleuk. La technologie africaine s’importe jusqu’en espace.

Bibliographie

Seignobos, C. (2004). La Case obus, histoire et reconstitution (Architecture traditionnelles ed., Vol.216, p.). Parenthèses

Gide, A (1981). Voyage au Congo, Carnets de route suivi de Le Retour du Tchad (Collection Idées ed., Vol. 512, p.). Gallimard

Nelson, S. (2007). From Cameroon to Paris -Mousgoum Architecture In and Out of Africa (Annotated edition ed., Vol. 304, p.). University of Chicago Press

Agbodjinou, K. (2010, 07). TEULEUK Regard sur l’habitat ancien musgum. L’Africaine d’architecture. Récupérée 02, 2020, à partir de https://www.lafricainedarchitecture.com/

TOLEUKAKAY : La case obus du peuple Mousgoum. FANDOM. Récupérée 02, 2020, à partir de https://traditions-afripedia.fandom.com

(2019, 05). From Mosgoum Teleuk to MARSHA: La technologie Africaine bientôt sur la planète Mars ?. L’ouverture sur le Cameroun. Récupérée 02, 2020, à partir de https://www.237online.com 

photor_C3_A9dactrice
Aissatou Doucouré, étudiante en L2 de géographie et aménagement et économie à Panthéon-Sorbonne et membre active chez ESMA

 

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