Point culture : la Libye

La Libye

Comme vous l’aurez deviné, c’est la Libye que nous mettons à l’honneur pour le mois de mai. ESMA vous sensibilise à l’histoire du patrimoine libyen en péril.

« Au cœur d’un pays marqué par l’instabilité politique, ce joyau du patrimoine libyen se trouve aujourd’hui menacé entre abandon, pillage et urbanisation »

Kawsar Laanani



Le patrimoine libyen en Péril : l’enjeu de la classification au patrimoine mondial de l’UNESCO

Suite à l’instabilité régnant dans le pays et aux dégâts subis et risques encourus en lien avec le conflit qui affecte le pays depuis déjà plusieurs années, le Comité du patrimoine mondial de l’Unesco a décidé d’inscrire cinq sites libyens sur la Liste du patrimoine mondial en péril. Cette décision est justifiée par les dommages qui sont déjà survenus et les graves menaces qui pèsent sur ces sites.

Aujourd’hui, la classification de ces sites au patrimoine mondial de l’UNESCO permet de se rendre compte des conditions menaçantes dans lesquelles se trouve ce patrimoine. Cela permet aussi de mobiliser le soutien de la communauté internationale en faveur de la protection de ces sites.

Présentation des cinq sites libyens  : 

Sites rupestres du Tadrart Acacus

Tout d’abord, le Tadrart Acacus est situé près de la ville de Ghat, près de la frontière algérienne. En berbère Tadrart signifie « montagne ». L’Acacus présente une grande variété de paysages, des dunes colorées aux arches, gorges, roches et montagnes. C’est une zone désertique de l’ouest de la Libye et l’une des plus arides du monde. Ce massif rocheux, bien que désertique, abrite un site archéologique préhistorique libyen, riche en peintures rupestres représentant hommes et animaux, qui ont été trouvées à plusieurs endroits à l’intérieur de grottes et d’abris sous les rochers composant le paysage de la région. Ces figures sont datées de 12000 av. J.-C. à 100 après. J.-C. Elles représentent notamment les modifications profondes de la faune et de la flore, ainsi que les divers modes de vie des populations qui se sont succédé dans cette partie du Sahara.

Cette zone a été inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1985. Mais en 2014, le lieu fera l’objet de vandalisme par les djihadistes et salafistes qui s’en prennent aux peintures, les effaçant ou martelant les représentations. En 2016, le Comité du patrimoine mondial se déclare préoccupé de la sauvegarde du patrimoine culturel libyen, concernant l’état de conservation du bien compte tenu de la situation d’alors. Il demande d’abord à l’État de fournir des informations complémentaires sur l’état de conservation du bien dès que les conditions de sécurité le permettront et décide, conformément à l’Article 11.4 de la Convention et aux paragraphes 177 et 179 des Orientations, d’inscrire les Sites rupestres du Tadrart Acacus sur la Liste du patrimoine mondial en péril. 

Le site archéologique de Cyrène :

Ensuite, nous avons le site archéologique de Cyrène. Cyrène est une cité antique qui selon Les Histoires d’Hérodote, aurait été fondée par des Grecs venus de Théra, ceux-ci recherchant d’une terre fertile avant de se développer et de devenir la cité principale de Libye. Elle est considérée comme une des villes les plus importantes de l’Antiquité.

Cette cité tombe en ruine en 262 av J.C. suite à des tremblements de terre qui détruisent la ville et provoquent son dépeuplement. 

Aujourd’hui, le site archéologique de Cyrène comporte trois espaces monumentaux. On distingue d’abord la ville, ainsi que ses faubourgs, les nécropoles et la campagne où se trouvent de nombreux vestiges. En 2005, après 1600 ans passés sous la terre, la découverte de 76 statues romaines par des archéologues italiens continue de prouver la richesse du site.

Le site archéologique de Cyrène est considéré depuis 1982 comme patrimoine mondial de l’UNESCO. Depuis 2016, il est estimé comme patrimoine en péril. Cette décision résulte d’une dégradation importante portée au site depuis le début de l’instabilité politique du pays en 2011. Les pillages de la cité antique persistent en raison du manque de contrôle et de protection du site. Cependant, le dernier rapport libyen sur l’état de conservation de Cyrène rapporté par le comité du patrimoine mondial de l’UNESCO évoque une volonté commune de sortir Cyrène de la liste du patrimoine en péril. Cet effort laisse entrevoir une amélioration dans la protection du patrimoine libyen.

Site archéologique de Leptis Magna

Leptis Magna en Libye est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1982. Le site est situé à environ 120 km à l’est de la capitale, Tripoli, c’est l’une des plus grandes villes de l’Empire carthaginois en Afrique du Nord. Elle a été construite au VIIe siècle avant J.C. par les phéniciens.

Après une période de rayonnement succède une celle du déclin. Cela va mener la ville à sa chute sans aucune réelle explication trouvée. La ville est complètement désertée au moment des invasions arabes. Comme beaucoup de villes romaines, elle réapparaîtra lors des expéditions coloniales du XXe siècle. Mussolini va subventionner les expéditions archéologiques dans une Libye sous colonisation, cette forte présence italienne restera centrale dans la préservation du site. Le site sera redécouvert à cette même période dans un état de conservation exceptionnel, Leptis Magna laisse un riche héritage au pays. Mais depuis 2011, la Après une période de rayonnement succède une celle du déclin. Cela va mener la ville à sa chute sans aucune réelle explication trouvée. La ville est complètement désertée au moment des invasions arabes. Comme beaucoup de villes romaines, elle réapparaîtra lors des expéditions coloniales du XXe siècle. Mussolini va subventionner les expéditions archéologiques dans une Libye sous colonisation, cette forte présence italienne restera centrale dans la préservation du site. Le site sera redécouvert à cette même période dans un état de conservation exceptionnel, Leptis Magna laisse un riche héritage au pays. Mais depuis 2011, la situation instable du pays n’a cessé de se dégrader d’année en année, mettant dès lors en danger la préservation du patrimoine libyen. En 2016, le site rejoint la liste du patrimoine en péril de l’UNESCO. Aujourd’hui la préservation de Leptis Magna est en grande partie permise grâce à l’action des communautés locales qui luttent pour la préservation de leur patrimoine.

Un grand nombre de monuments forment le site. On retrouve tout d’abord l’arc de Septime Sévère, considéré comme le plus grand et le plus beau des arcs de triomphe de Leptis Magna. Ensuite, il y a les thermes d’Hadrien qui ont été inaugurés en 126-127 sous le règne d’Hadrien, puis rénovés sous Septime Sévère. On y trouve aussi, le nymphée, des rues à colonnades, un forum sévérien, la basilique sévérienne, le Forum vetus (vieux forum), le théâtre, le marché, Chalcidicum, l’hippodrome, et enfin un amphithéâtre. Mais cela ne s’arrête pas là : en 2005, de nouvelles découvertes ont été faites. Des archéologues de l’université de Hambourg travaillant sur la côte libyenne ont découvert une mosaïque très colorée. En réalité, les mosaïques ont été découvertes dans les années 2000, mais ont été tenues secrètes afin d’éviter le pillage. Elles sont actuellement exposées au musée de Leptis Magna.

Site archéologique de Sabratha

Sabratha est une des plus importantes villes de la Tripolitaine situé en Afrique Romaine, aujourd’hui la Libye occidentale. Le nom de la région vient du triangle antique formé par les villes de Sabratha, Tripoli et Leptis Magna. Cela souligne donc le rôle déterminant de ces cités dans le développement de l’Afrique du Nord à l’époque antique.

Au XXème siècle débutent les fouilles archéologiques qui ont permis la découverte d’un grand nombre de vestiges phéniciens et romains témoins de la riche histoire du pays. Les vestiges phéniciens retrouvés sont ceux d’une cité fortifiée aux rues au tracé irrégulier. Au Ier siècle, la ville se développera vers le Sud selon un plan rectangulaire de type romain. Puis dans la seconde moitié du IIème siècle, l’expansion se fera vers l’Est selon un plan directeur identique. Par ailleurs, le site possède deux musées : il y a d’abord, un musée romain, qui contient les éléments retrouvés lors des fouilles des nécropoles de la cité, ainsi que des mosaïques et des statues. Afin d’allier les deux périodes qui ont régné sur la ville, un musée punique est aussi présent. 

Tout comme les deux sites précédents, celui de Sabratha a lui aussi été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1982. Suite au printemps arabe et l’instabilité provoquée par cette révolution, la région de Sabratha est devenue la principale plate-forme de départ des migrants vers l’Europe. En 2017, la direction générale de l’UNESCO a appelé  à protéger « le patrimoine culturel inestimable de Sabratha ». Aussi, l’enjeu de protection est double, puisqu’au-delà des dangers humains, la nature menace aussi le site. De ce fait, les monuments subissent l’action naturelle de phénomènes climatiques. Entre autres, l’érosion marine a provoqué l’effondrement d’une partie des bâtiments à proximité du bord de mer, les mosaïques décorant le sol ont connu l’altération par la végétation naturelle. En juillet 2016, le site de Sabratha a rejoint la liste du patrimoine mondial en péril du fait des dégâts subis et des risques encourus en lien avec le conflit.

Ancienne ville de Ghadamès

Ghadamès est une ville et une oasis du désert en Libye, à 650 km de Tripoli, à la frontière de la Tunisie et de l’Algérie. L’ancienne ville de Ghadamès est la partie ancienne de la ville de Ghadamès et c’est l’une des principales villes fortifiées du Sahara, son architecture est conçue pour résister au climat extrême du désert du pays. 

Bâtie dans une oasis, « la perle du désert », est une des plus anciennes cités pré-sahariennes. C’est un exemple exceptionnel d’habitat traditionnel. Son architecture est remarquable et se caractérise par les différentes fonctions assignées à chaque niveau. Le rez-de-chaussée sert de réserve à provisions. Il y a un  étage familial surplombant des passages couverts aveugles qui permettent une circulation presque souterraine dans la ville et  des terrasses à ciel ouvert qui sont elles réservées aux femmes. L’histoire de Ghadamès et de la société ont été façonnées par l’environnement et l’harmonie qui s’en dégage et demeure un élément central de leur singularité et de leur survivance. On remarque une connexion des caractéristiques naturelles, urbaines et architecturales de ce système écologique, tout cela rend le site de plus en plus vulnérable aux changements dans l’approvisionnement en eau, l’humidité, la température, l’agriculture, l’environnement bâti et la densité de population.

La «perle du désert »  est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1986. En 2016, le site a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial en péril, en raison du conflit armé que subit le pays depuis le printemps arabe.

Tous ces sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial dans les années 1980 sont des lieux très symboliques de la mémoire collective du pays. La préservation de l’ensemble du patrimoine culturel libyen est un enjeu majeur dans la réconciliation nationale et la construction d’une Libye stable et ouverte sur le monde.


Maïssa GOURAR – Master 1 TPTI à  Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre active chez ESMA 

Bibliographie :

Blas de Roblès, JM., En Libye Sur les traces de Jean Raimond Pacho, 2016

Dobias C., Maffre JM., André Laronde (1940-2011) dans Revue archéologique, 2011/2

Mori, F., Art préhistorique du Sahara libyen Rome, De Luca, 1960

Mori, F., Tadrart Acacus , Turin, Einaudi, 1965

La Libye révolutionnaire, Politique Africaine, 2011/2

Sources :

Décision 43 COM 7A.23 Site archéologique de Cyrène (Libye) (C 190), disponible avec le lien :

https://whc.unesco.org/fr/decisions/7508

Cyrène, l’antique cité hellène de Libye 29/10/2020 par Kawsar Laanani, disponible avec le lien : https://patrimoinedorient.org/index.php/2020/10/29/cyrene-lantique-cite-hellene-de-libye/

Leptis Magna, Musée de l’archéologie nationale, disponible sur le lien : https://archeologie.culture.fr/fr/a-propos/leptis-magna

Leptis Magna, la romaine d’Afrique, disponible avec le lien : https://patrimoinedorient.org/index.php/2020/04/09/leptis-magna-la-romaine-dafrique/

Article Sabratha de Wikipédia, disponible sur lien https://fr.wikipedia.org/wiki/Sabratha

Sabratha : une cité libyenne oubliée ?, 28/05/2020 par Omar Babakhouya, disponible avec le lien https://patrimoinedorient.org/index.php/2020/05/28/sabratha-une-cite-libyenne-oubliee/

Sources iconographique : 

Photo 1: Wikipédia 

Photo 2 : Unesco.org

Photo 3 :  https://www.kathmanduandbeyond.com/photos-roman-city-leptis-magna-libya/

Photo 4 : Unesco.org

Photo 5 : Unesco.org 

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