“Une connaissance est fausse quand elle ne concorde pas à l’objet auquel on la rapporte”
Emmanuel Kant (1724-1804)
Déjà au XVIIIe siècle, le philosophe Allemand nous invite à remettre en question le savoir que l’on considère comme entériné et acquis, et ceux pour qu’il corresponde au plus près de la réalitée, à défaut de l’atteindre. Les Etudiants de Panthéon-Sorbonne pour les Mondes Africains ( ESMA ) vous invitent cette fois à passer en revue, un objet auquel on s’est accoutumé depuis notre enfance : le planisphère. Une projections cartographique est la représentation de l’environnement qui entoure l’homme sur une carte à l’aide d’échelles de mesures pour garder les dimensions et in-fine correspondre à la réalité que les géographes souhaitent représenter. Une tâche rude surtout en ce qui concerne la terre: comment représenter une surface sphériques et irrégulière, sur une surface plane ?
Depuis l’une des premières cartes connues, celle du géographe grec Anaximandre (vers le VIe siècle av J.C), l’être humain représente le monde autour de lui sur une surface plane pour se repérer dans l’espace, étudié les enjeux politiques, économiques etc… dans une aire géographique donnée. Représenter la terre sur un morceau de carte plat en reproduisant les bonnes dimensions et la forme adéquate est un chantier colossal. L’une des premières des difficultés est la morphologie de la planète. L’on croit à tort que la terre est parfaitement sphérique, or elle ne l’est pas : il existe plusieurs déformations du globe liée à des conditions physiques dans lesquelles elle évolue: la révolution qu’elle effectue autour d’elle en 24 heures ou encore le rapport du noyau externe au champs magnétique terrestre par exemple. Toutefois quelques hommes téméraires se sont essayés à l’exercice: autre que Anaximandre, Hécatée de Milet, Ptolémé, l’Anonyme de Ravenne ou encore Al-Idrissi et de nombreux autres. Et dans leurs représentations l’Afrique y figure toujours d’une façon ou d’une autre selon les connaissances en vigueurs à l’époque des cartes produites.
Actuellement dans le monde le modèle de planisphère le plus employé, nous vient du géographe Belge, Gérard de Mercator (1512-1594). Brillant cartographe européen, enseignant à l’université de Duisbourg (Allemagne), c’est en 1569 qu’il publie 18 cartes composant la “projection de Mercator”. A l’origine ce dernier est prévu pour la navigation maritime au compas et à la boussole. A l’époque de la caravelle, des grandes explorations maritimes et de l’imprimerie, le succès de cette carte est rapide. Actuellement la “projection de Mercator” est le modèle le plus utilisé dans le monde à commencer par les institutions scolaires et les géants de l’informatique, ce qui peut être problématique ! En effet si Mercator prend soin de reproduire les formes et les contours des terres quasi-fidèlement, les dimensions ne correspondent pas à la réalitée : l’Afrique y est sous-représentée. Sur la “projection de Mercator” on peut observer que le Groenland et la Russie sont chaqu’une plus grandes que le continent noir or la superficie du Groenland est de 2,2 millions km², celle de la Russie est de 17,1 millions km² ce qui additionné n’arrive pas à la superficie totale de l’Afrique qui est de 30,4 km². Cette déformation vient du fait que “la projection de Mercator” n’applique pas la même échelle aux Pôles et à l’équateur, par soucis de représenter des méridiens droits car ce modèle est conçu pour la navigation maritime.
L’apparition du mouvement tier-manifeste issue de la conférence de Bandung en 1955, pose le problème politico-économique de la “projection de Mercator”, l’application de différentes échelles sur la même carte donnent l’impression que les dimensions des pays du nord est plus importante que celle des pays du sud. Le modèle de projection publié par le Scottish Geographical Magazine en 1885 devient une alternative: il prend en compte le critère des dimensions et essaye de reproduire fidèlement les formes. En 1975, l’historien allemand Arno Peters (1916-2002) réalise un nouveau modèle à partir de celui par James Gall (1808-1895), il sera rapidement utilisé par les tiers-mondistes. L’objectif affiché étant le réalisme, à travers ses réflexions il met au point un modèle qui excluant la sur-représentation géographique des puissances mondiales. Le modèle actuellement connu comme “projection Gall-Peters” est fidèle à la réalité en terme de dimensions mais il déforme tout de même la forme morphologique de certains continent dont l’Afrique.
L’entrepreneur allemand: Kai Krause, réalise une carte où il superpose les plus grands pays en terme de superficie du monde avec l’Afrique pour faire prendre conscience de sa taille réelle. D’un rapide coup d’oeil on peut comprendre les problèmes que peut poser la projection de Mercator, surtout lorsque l’on sait que c’est le modèle souvent en vigueure dans les écoles du monde, l’Afrique en premier lieu. En 2017, la municipalité de Boston ayant pris conscience des enjeux que représentent un planisphère, abandonnent la “projection de Mercator” pour adopter la “projection Galls-Peters”. Il existe plusieurs outils pour vérifier les variations d’échelles ou les déformations de projection cartographique tel que l’indicatrice de Tissot. Cela consiste à coller des cercles de la même taille sur plusieurs points du globe terrestre sphérique, ainsi en le déployant on peut observer les déformations et représenter.
Malgré un effort itératif de l’être humain, il n’existe actuellement une carte plus valable qu’une autre et qui serait sans défaut. Il est difficile de représenter une sphère sur une surface plane surtout quand celle-ci contient des irrégularités géométriques. Par ailleurs l’intervention de l’homme dans la représentation du monde via un planisphère peut amener la production et la transmission de connaissances à être orientées voir faussées. D’une part la carte étant une représentation du monde faîtes par les humains pour les humains donc est subjective par essence. Ensuite celles-ci sont conçus pour répondre à des besoins précis: navigation maritime, stratégie militaire, analyse géo-politiques, analyse économique etc… Les géographes font donc figurer des informations sur les cartes selon les besoins pour lesquelles ils les conçoivent.
Pour en savoir plus …
Article écrit BFMTV sur la municipalité de Boston qui adopte la “projection Gall-Peters”
https://www.bfmtv.com/international/les-ecoles-publiques-de-boston-abandonnent-le-planisphere-dit-projection-mercator-1125822.html
Article de geopolis sur la carte de
http://geopolis.francetvinfo.fr/la-carte-de-l-afrique-comme-vous-ne-l-avez-jamais-vue-154453
Site pour comparer la taille réelle des pays avec la projection Mercator
https://thetruesize.com/
Définition de la projection de Mercator
https://www.universalis.fr/encyclopedie/projection-cartographique-de-mercator/
Article de Geonov sur les déformations de la réalitée des projections géographiques
https://www.geonov.fr/actualites/2017/07/28/la-v%C3%A9ritable-taille-des-pays/
Reportage de la BBC sur la projection Mercator utilisé par Google Maps ( en Anglais )
https://l.facebook.com/l.php?u=https%3A%2F%2Fyoutu.be%2FW41aZKInoK0&h=AT2TRpXQNIAq3UQQ_3O8SFCrTi99VpyX92roONhPP8AkDtL-bMRzglhs9O1L43rhm11eWtEwVTVM3SxN41In8LEhnjOR8Tna5dAzx4jeuBZSkx1P49TnVNBvBLkTpQVa1C_2
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