[TWIZA]
L’équipe de la rédaction d’ESMA vous présente sa nouvelle rubrique : la Twiza (“entraide” en berbère). Son objectif est valoriser les regards croisés entre différentes aires géographiques et culturelles, auxquelles le continent africain est rattaché, avec des partenaires associatifs d’ESMA tant de la Sorbonne qu’ailleurs. Découvrez dès maintenant le premier article “Vues sur la famille Massembo” avec notre partenaire Sorb’Outremer.
En espérant que vous allez apprécier.
L’équipe de la rédaction.
Vues sur la famille Massembo en Guadeloupe
Réussir à garder un bout du Kongo de l’autre côte de l’Atlantique
Garder sa culture lorsqu’on migre vers l’autre côté de la planète est très dur. Les us et coutumes du pays où on immigre vont prendre une place prépondérante. Dans ce cas, la famille Massembo a réussi tant bien que mal à préserver ses moeurs venant du Kongo et ceci sans être revenue dans la terre de leurs ancêtres.
L’immigration Africaine : une solution pour palier aux difficultés économiques de l’île
En 1848, à l’abolition de l’esclavage, de nombreux anciens esclaves ont refusé de reprendre le travail dans les champs, synonyme de leur ancien statut servile. Pour récolter les cannes à sucre puis produire 37 994 tonnes de sucre, il fallait 50 000 travailleurs
Cela a enclenché une baisse de production de ces matières. De plus, avant l’abolition de l’esclavage, la durée de vie d’un esclave dans les plantations de Guadeloupe était de moins 50 ans dû au fait que le travail dans ces champs était très usant et très dur. Pendant la periode de libre accès aux marchés aux esclaves, lorsque un esclave mourrait ou devenait inapte à travailler, il était facile de s’en procurer un autre, les propriétaires allaient en acheter un autre.

Pour palier à la baisse de productivité des plantations, principal secteur économique des îles comme la Guadeloupe, de nombreux stratagèmes ont été pensés, comme faire appel à des européens venus du sud ouest de la France, des cap-verdiens ou des chinois. En 1862, les anciens propriétaires d’esclaves ont essayé de faire venir des Noirs libres des États-Unis. Le taux d’offre par rapport à la demande reste tout de même dérisoire.
Problème majeur pour la venue de tous ces peuples qui supportaient mal le changement climatique. Le climat de la Guadeloupe étant un climat tropical d’Alizé (vent régulier passant par les îles tropicales).
De plus en plus de demandes, pressantes, de la part de nombreux employeurs, sont envoyées au ministre des Colonies afin qu’il donne l’aval de faire venir des Africains en Guadeloupe. Le lobby des indemnitaires, colons percevant des indemnités de 6 millions de francs “en dédommagement de la libération de près de leurs 248 500 esclaves” ont réussi à faire en sorte que la Régie de Marseille fournisse “10 000 Africains sur les 3 à 6 années à venir”. La Régie de Marseille est allée puiser dans les Colonies françaises ses travailleurs. Entre 1858 et 1861, on fait venir 6 109 Africains Kongolais (De la partie de l’actuelle République du Congo) en Guadeloupe. L’Angleterre est opposée à cette décision car elle y voit une traite déguisée. La signature de la Convention sur l’immigration indienne, traité franco-britannique, par Napoléon III le 1er juillet 1861 marque l’arrêt de traite ou déportation africaine en Guadeloupe et marque le début de
l’immigration indienne. (pour les indiens c’était une situation différente donc oui on peut parler d’immigration
Perte des cultures des nouveaux arrivants
Les travailleurs africains pouvaient faire le choix de garder leurs culture mais ne l’ont pas gardé de manière intacte. En effet, pour des raisons d’intégration dans le tissu social antillais, ces derniers ont réalisé un syncrétisme culturel. Les enfants dont les deux parents sont kongolais ont vite abandonné le kikongo ou le vlili pour laisser place au créole.
Aujourd’hui, nous pouvons retrouver la trace de ces kongolais, vu que très peu se sont rapatriés au Kongo. On peut y retrouver des noms de familles d’origine kongolaise.
L’établissement des premiers Massembo en Guadeloupe

Les premiers membres de la famille Massembo arrivent sur l’île en 1861, c’est à dire, à la fin du processus d’immigration africaine vers la Guadeloupe. Cette famille a débarqué du port de Loango, actuelement localisée en République du Congo. En arrivant en Guadeloupe, les Massembo se sont d’abord établis à Pointe à Pitre près de l’usine Darboussier puis ont déménagé à Cambrefort, dans la commune de Capesterre-Belle-Eau en Basse Terre où ils se trouvent aujourd’hui.
La culture Kongo survivant dans cette famille aujourd’hui
Comme mentionné plus haut, sous la pression sociale, préserver ses coutumes était dur. Généralement, la culture et les traditions africaines ont laissé moins de place au détriment des us créole au bout de la première ou deuxième génération. Malgré cette difficulté, les Massembo ont réussi à préserver des mots du vocabulaire, leur patronyme ainsi que certaines de leurs traditions. Pour en arriver là, cette famille a dû subir une certaine stigmatisation de la part des habitants de l’île. Par exemple, une stigmatisation vis à vis de la religion. En effet, les guadeloupéens pensaient que la religion des kongolais était à base de sorcellerie. Généralement les religions venues d’Afrique sont prises pour de la sorcellerie. De plus, cette famille a fait le maximum pour se marier avec d’autres familles kongo.

Une des traditions gardées est la cérémonie du Grapp-A-Kongo. Cette cérémonie rend hommage aux ancêtres. Les Kongos avaient un rapport avec le culte des ancêtres qui était très fort. Donc lors de la Toussaint, pendant que les Guadeloupéens arrivés avant se recueillaient sur les tombes de leurs ancêtres, les kongolais ne pouvant pas faire cela, décident de créer cette cérémonie afin de célébrer leurs ancêtres enterrés au Kongo.
Cette cérémonie annuelle est orchestrée par des femmes. Elle commence par un chant, Sola Ya Me Sola, qui reste parfaitement compréhensible en kikongo ainsi que des danses ramenées du Kongo. Au début de la cérémonie, les participants endossent une tenue kongolaise et tirent un coup de fusil afin d’inviter les morts à la cérémonie. À la fin de Grapp A Kongo, à minuit, les participants revêtent une tenue blanche pour raccompagner les morts. D’autres familles Kongo se rejoignent à la cérémonie. La dernière édition s’est tenue le 01 novembre 2018, à Moravie, Capesterre-Belle-Eau.
Autrefois stigmatisée par les Guadeloupéens natifs de l’île, les traditions de la famille Massembo comme le Grapp A Kongo font parti intégrante du patrimoine culturel guadeloupéen grâce à un long processus d’intégration. La volonté de garder les moeurs des ancêtres kongos, font que les traditions transmises de générations en générations puissent perdurer jusqu’à aujourd’hui.
Sources
Guadeloupe.fr, GRAP A CONGO 2018 : https://www.guadeloupe.fr/agenda-sortir/grap-a-congo-2018/
Nofi, les origines du royaume Kongo : https://www.nofi.media/2014/10/les-origines-du-royaume-de-kongo/1623
Atout-Guadeloupe, Les « immigrés » de la Guadeloupe : https://www.atout-guadeloupe.com/LES-IMMIGRES-DE-GUADELOUPE_a1364.html
Nofi, Les Massembo, une famille qui a préservé son identité africaine : https://www.nofi.media/2017/09/massembo-guadeloupe/43214
Wikipédia, Immigration indienne en Guadeloupe : https://fr.wikipedia.org/wiki/Immigration_indienne_en_Guadeloupe
Wikipédia, Guadeloupe : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guadeloupe
Mediapart, Congo/Guadeloupe : Les Kongos de la Guadeloupe – Rites d’une identité préservée : https://blogs.mediapart.fr/jecmaus/blog/180913/congoguadeloupe-les-kongos-de-la-guadeloupe-rites-dune-identite-preservee
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