Mot de clôture du Journal d’ESMA N°3 sur l’éducation en Afrique par la présidente
Il est devenu tradition que deux fois dans l’année universitaire, les membres de l’association proposent puis votent pour un thème qui servira de ligne directrice pour notre journal semestriel.
L’année universitaire précédente fut marquée par une première édition du journal sur « les chefs d’Etat africains assassinés », ainsi qu’une seconde sur « les mouvements féminins et féministes en Afrique ».
L’idée de réaliser un troisième numéro du journal d’ESMA sur le thème de “L’Éducation en Afrique” a émergé en avril 2018 bien avant même qu’elle ne commence à être travaillée à partir de septembre 2018. Cette idée a été suivie de plusieurs sessions de brainstorming, de recherches et de relectures afin d’être matérialisée à travers la publication d’une série d’une dizaine d’articles durant tout le mois de mars.
La première étape a été de faire un état des lieux par le biais d’une infographie afin de poser une base commune sur les faits et les chiffres servant généralement d’indicateurs sur la situation de l’éducation sur le continent. N’en déplaise à Hegel, l’Afrique est composée de terres de cultures qui ont une Histoire et dans lesquelles il y a effectivement toujours eu une transmission du savoir. Cette transmission qui a généralement été orale, est un point sur lequel nous avons voulu nous pencher. On parle ici d’une transmission qui se faisait non pas par le biais de livres mais essentiellement par le biais de certains “aînés” dont c’était le rôle car considérés encore aujourd’hui comme les porteurs de savoir. En effet, cela peut être remarqué dans l’absence de certains mots dans diverses langues parlées sur le continent. Dans ma langue maternelle qu’est le songhaï, il n’existe pas de traduction littéraire pour le mot « livre », le mot s’en rapprochant le plus est « tiraa » qui est plus fidèlement traduit en français par le mot « papier » et est plus souvent utilisé pour mentionner des pièces d’identité ou tout autre document officiel. En effet, dans les communautés songhaï et les communautés zarma voisines, la figure du griot est essentielle afin de retracer l’Histoire de ces peuples et de permettre son archivage dans les mémoires de toutes et tous. Toutefois aujourd’hui, les systèmes éducatifs mis en place en Afrique étant plus ou moins calqués sur des modèles occidentaux, la parole des griots, mentionnés précédemment n’est pas loin d’être laissée pour orpheline.
Il a été question dans ce journal de couvrir un espace temporel assez large en posant par exemple un regard attentif sur le système éducatif des oromos au XVI siècle par le biais d’une interview que nous a gracieusement accordé M. Bertrand Hirsch. Ce dernier est professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste de l’Histoire de la Corne de l’Afrique et membre de l’Institut des mondes Africains (IMAF). Nous avons également pu interviewer M. Abdoulaye Sylla, doctorant en droit public à l’université Paris 1 qui avait déjà délivré une brillante intervention lors de notre conférence sur les droits de l’Homme et missions humanitaires en Afrique, afin de nous apporter plus de précisions sur les causes et effets de l’analphabétisme.
Nous avons voulu étudier l’impact des méthodes d’enseignement apportées sur le continent africain à l’aune de la colonisation et bien au-delà, les inégalités qui en ont découlé et la manière dont celles-ci ont évolué. Nous avons également abordé les défis que posent la présence de plusieurs langues officielles sur un même territoire en prenant l’exemple de l’enseignement en langues berbères face à l’arabe en Algérie ou au Maroc, à travers un article paru à l’occasion de la journée mondiale de la langue maternelle.
Rédiger cette série d’articles nous a poussé à couvrir des champs divers et de facto à soulever de nombreuses problématiques. Il a été possible d’étudier le thème de l’éducation en Afrique sous ses enjeux économiques au niveau macro et micro en mettant par exemple en lumière des porteurs de solutions nouvelles. En outre, nous avons questionné la place donnée aux matières scientifiques, l’accès à l’éducation selon des critères sociaux et/ou des critères de genre ou encore pour des personnes réfugiées, l’influence des décisions politiques sur les programmes scolaires, la contribution de la diaspora africaine pour améliorer la qualité de l’éducation offerte et biens d’autres problématiques dont l’exploration ne peut que servir à mieux appréhender ce thème. Il y avait donc un véritable enjeu à vouloir donner à ce journal un rôle d’initiateur de réflexion au-delà de ce que l’on peut présumer et de ce qui peut paraître évident au premier abord après simple du thème du journal ou des titres des articles.
Enfin, ce mot vise principalement à exprimer ma gratitude et ma fierté à tous les membres de l’association qui ont participé à la réalisation de ce projet. Une expérience qui je l’espère a été vectrice d’apprentissage, de partage et de synergies à travers de nombreux échanges humains. Je tiens à remercier, Rahma Ibenachehab qui a coordonné ce projet pendant sa phase initiale, Laura Fortes en tant que coordinatrice principale du journal, appuyée par Abir Hassan Nur. Mathieu Longlade, responsable du pôle rédaction. L’ensemble des autres rédacteur·rice·s : Pauline Amard, Opolo Holtz, Magali Christophe, Feth Eddine Aggad, Akli Aouaa, Bridjet Ndungu, Marie Desplains et Jessica Elonguert. En ce qui concerne la publication des articles plus spécifiquement, Sarah Rippon, responsable du pôle communication ainsi que Steeve Kanema, coordinateur adjoint du pôle rédaction. La capacité de cette équipe à exécuter un travail de groupe de manière synchrone avec une priorité donnée à la qualité des articles a été inspirante pour moi et a surtout permis d’atteindre l’aboutissement espéré de ce projet.
Je conclurai ce mot en ajoutant que ce journal aspire à s’inscrire dans la lignée du fameux message que laissait le professeur Joseph Ki-Zerbo à la jeunesse africaine à travers ses oeuvres en disant que “chaque génération a des pyramides à bâtir”. Ainsi, ce panel d’articles nous rappelle notre devoir de nous assurer et de contribuer à ce que cette génération de jeunes africain·e·s et celles à venir puissent bâtir leurs propres pyramides.

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