AKAA 2019 (Also Known As Africa)

Retour sur une visite de la foire d’art contemporain africain au coeur de Paris.

 

Retour sur une visite de la foire d’art contemporain africain au coeur de Paris.

Ce débat anime déjà les scènes artistiques contemporaines et a fait l’objet de nombreuses controverses dans la littérature (1). 

En effet, ce week-end (9-11 novembre 2019) se déroulait à Paris la foire d’art contemporain africain AKAA pour sa quatrième édition. Des galeries exposent chacune, selon leur choix, les artistes dont elles font la promotion : une moyenne de un à quatre artiste(s) environ. En parallèle, des rencontres sous forme de conférences, des projections de film et des stands ont permis aux visiteurs d’y passer la journée entière et de revenir sur des débats actuels en lien avec la production d’art en Afrique. 

On ne peut s’empêcher, en déambulant dans ces espaces où règnent les artistes africains, de la diaspora ou intéressés par l’Afrique, de se demander si, le continent est déconnecté des autres provenances d’arts ou au contraire si cela permet à de jeunes artistes africains de se faire une place parmi le monde complexe des arts contemporains en leur créant un espace propice ? Certains artistes présentent des oeuvres dites esthétiques, qui, à première vue n’informent pas sur le caractère africain de leurs représentations, tandis que d’autres sont attachés à la question militante au travers de leurs oeuvres, ce qui les place dans un contexte africain de manière directe pour le spectateur. 

Notre devoir est donc d’interroger ces questions par des exemples, permettant d’identifier concrètement qui sont les artistes exposants.

Afin de tenter de comprendre la place de ces artistes et de leurs oeuvres dans un événement comme celui d’AKAA, à Paris, nous allons revenir sur les Highlights de la foire.

L’Afrique du Sud au coeur de cette production artistique africaine : l’exemple de Zanele Muholi

 

La spécificité de cette nouvelle génération de photographes sud-africains est leur activisme politique à travers leurs carrières artistiques. Afin de dénoncer les travers de la société post-apartheid, l’art se place au coeur des controverses et prend une place prédominante en Afrique du Sud. Leur exposition dans un espace comme celui d’AKAA permet un effet amplificateur de leurs luttes, qui se retrouvent internationalisées et connues au delà de leurs frontières. À cet effet, on peut donc les inclure dans une activité militante, où une exposition dans un espace africaniste à Paris, leur permet de pratiquer leur militantisme en incitant les visiteurs à se questionner sur ces questions. 

 

L’une des artistes mise en avant lors de cette édition a été Zanele Muholi : protagoniste du documentaire Afrique du sud, portrait chromatiques diffusé le samedi, et également exposée par la Galerie Carole Kvasnevski (France). Elle se considère comme « militante visuelle » (2). Ses photographies sont un autoportrait et lui permettent de mettre en scène ce qu’elle dénonce. 

 

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Photographie disponible sur le site de l’édition 2019 d’AKAA sous Zanele Muholi https://akaafair.com/artist

Souvent représentée de manière très sombre, avec des expressions dures et jouant beaucoup avec les nuances noires dans ses photographies, elle met en scène et souhaite exposer sa condition de femme noire et lesbienne dans le contexte sud-africain (3).

 

 

 

 

Le fléau des déchets en Afrique : l’exemple de Maurice Mbikayi

Le recyclage des déchets dans les oeuvres exposées est également l’un des aspects très présent lors de cette foire. Une manière de créer des oeuvres design pour certains permettant l’upcycling (créer une plus value sur des matériaux usés), mais également une dénonciation claire de la problématique des déchets dans le continent. Issus d’une surconsommation globale et se retrouvant dans beaucoup de villes africaines, les déchets non-recyclables sont également transportés de l’Occident sur le continent : l’Afrique comme poubelle du Monde (4). Le paradoxe souvent relevé par les artistes, réside dans le fait que les matériaux premiers à la création de ces objets sont récoltés en Afrique et qu’ils y reviennent transformés et désuets pour la plupart. L’un des artistes qui montre cela de manière claire et intéressante est Maurice Mbikayi, congolais d’origine, exposé par la galerie ARTCO (Allemagne). 

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Photographir des créations disponibles sur le site de l’édition 2019 d’AKAA sous Maurice Mbikayi https://akaafair.com/artistes

En effet, en reprenant les déchets électroniques (touches de clavier d’ordinateur), l’artiste parvient à en faire des vêtements. Il met donc en exergue une manière pertinente de dénoncer l’absurdité flagrante vécue par un congolais, dont le pays produit les ressources nécessaires à la création de cet objet, qui en vient finalement à les réutiliser pour s’habiller — les objets étant souvent obsolètes et hors d’utilisation (5). 

Sur cette même réflexion concernant la réappropriation des déchets comme outils d’expression pour lutter contre l’accaparement des ressources, le film-documentaire Système K a été diffusé samedi. Il a été réalisé par Renaud Barret et montre la pratique des performances artistiques dans le contexte de la ville de Kinshasa : une piste très intéressante qui nous montre comment sont mobilisés ces déchets à des fins de dénonciation (6).

Finalement, quel bilan positif pour les artistes de l’Afrique ? L’exemple de Georgina Maxim

Il semble que l’on pourrait dire que l’art contemporain africain sert de tremplin à des luttes globales mais également locales des différents contextes africains. Ce bilan assombrit un peu les représentations et imaginaires véhiculés sur le continent participant aux images du « continent sans espoir » (7). C’est pourquoi il est aussi nécessaire de revenir sur les autres créations artistiques nuançant ces aspects (tout en ne les niant pas), afin de nous permettre d’élargir nos imaginaires sur l’Afrique et d’en voir sa complexité, ses dynamiques et la multiplicité de ses aspects.

Afin de nous permettre de mener cette réflexion au long de la visite de la foire, de nombreux artistes proposent des thématiques quotidiennes, qui ne lient pas forcément à un contexte africain mais qui finalement, nous parlent à tous. Afin d’illustrer cela, nous présenterons une des oeuvres de Georgina Maxim, artiste zimbabwéenne, qui assemble divers tissus afin d’en créer des toiles à plusieurs dimensions.

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Photographie personnelle. Autres création disponible sur le site de l’édition 2019 d’AKAA sous Georgina Maxim  https://akaafair.com/artistes

Pour l’artiste, cette toile traduit ses relations avec sa mère. Lorsque l’on regarde de plus près, les différents tissus sont cousus de sorte à ce qu’ils fassent penser à des cicatrices. Son travail est impressionnant puisqu’il est entièrement réalisé à la main et traduit la patience, mais également la beauté de la création artistique de Georgina Maxim. 

De l’art et de la réflexion

Cet article n’a pas la prétention d’être exhaustif sur les regards que l’on peut porter sur cette foire. Afin de vous forger votre propre opinion, n’hésitez pas à faire un tour sur le site de la foire AKAA, qui est très accessible !!!

En attendant la cinquième édition de la foire AKAA 2020, de nombreuses galeries exposantes sont situées à Paris, il est donc toujours possible d’aller voir ces oeuvres lors d’une prochaine balade!

En laissant le débat ouvert sur la spécificité d’un art contemporain « africain » à Paris … n’hésitez pas à partager vos opinions ! 

Teniola Philipps

(1) lire Babacar Mbaye Diop – Critique de la notion d’art africain (2018) à ce propos.

(2)lire article « Zanele Muholi, une « militante visuelle » en Afrique du Sud » dans Le Monde, du 30 octobre 2017.https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/10/26/zanele-muholi-une-activiste-visuelle_5206085_4497186.html

(3)  lire article « Zanele Muholi, queer vaillant » dans Le Monde, du 26 octobre 2017.https://www.lemonde.fr/m-actu/portfolio/2017/10/26/zanele-muholi-queer-vaillant_5206079_4497186.html

(4) voir le documentaire ARTE, « la tragédie électronique » (2011).

(5) Pour plus d’oeuvres et d’explications, visiter le site internet de l’artiste :https://mauricembikayi.com/gallery/

(6) Bande-annonce du film :https://www.dailymotion.com/video/x7m8flp

(7) Afin de poursuivre une réflexion plus poussée sur la question, lire Achille Mbembe – Sortir de la grande nuit, essai sur l’Afrique décolonisée (2013).

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Teniola Phillipps, étudiante en M2 Sciences Politiques-Études Africaines et membre active d’ESMA 

 

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