Point historique : la Côte-d’Ivoire

Comme vous l’avez deviné, ce mois de janvier sera destiné à la Côte-d’Ivoire. On vous y amène le temps d’un instant pour découvrir ce pays fascinant.

 

Kong : histoire d’un (double) royaume 

 

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Ancienne capitale d’un royaume florissant fondé au XVIIIe par Sékou Ouattara (ou Wattara), la ville de Kong et son empire nourrissaient des liens très importants avec les villes de Tombouctou et Djenné. Le royaume s’étendait sur des centaines de kilomètres, du Nord de la Côte d’Ivoire, en passant par le Sud du Mali et l’Ouest du Burkina Faso. 

Avant de devenir le grand royaume que l’on connaît, la petite ville de Kong était la terre des Sénoufo, appelé aussi Fala-Fala jusqu’au XIe siècle. Ce n’est qu’au siècle suivant que l’on estime l’arrivée des Dioula aux alentours de la ville. Après presque deux siècles de prospérité, le royaume sombre dans la désuétude après l’attaque du grand combattant Samory Touré en 1897, sous le règne de Komi Ouattara le 20ème roi de Kong. Pourtant, ce grand royaume ouest-africain a longtemps été épargné par Samory Touré. Mais pourquoi ? 

 

« Pour moi, disait Samory, je ne ferai jamais la guerre aux musulmans ni ne prendrai Kong. Je désire commercer avec vous, aussi, vous ai-je envoyé mes hommes avec des esclaves et de l’or pour avoir en échange des fusils, de la poudre et des chevaux. Vous êtes en amitié avec les Blancs de la côte, il vous sera facile d’avoir des fusils et de la poudre” (1) 

 

Car le rayonnement de Kong continue de se faire sentir. Si la puissance guerrière konga s’essouffle à ce moment précis de l’histoire du royaume, il n’en va pas de même de son importance commerciale. 

A son apogée, Kong était tributaire de trois piliers, indissociables et pourtant si différents. La ville était réputée pour son école coranique et ses deux mosquées (pilier religieux), le royaume se voulait aussi être le carrefour commercial d’une région toute entière (pilier commercial) dont le rayonnement était renforcé par sa classe dirigeante (pilier guerrier).

Nous nous attarderons sur deux de ces piliers précédemment cités, qui font de Kong un double royaume : le Kong des Wattara et Sonangui, le royaume guerrier et le Kong des Dioula, le royaume commercial. 

Un royaume guerrier : la figure des Wattara et Sonangui

 

Avant de s’établir comme fama (roi) de Kong, Sékou Oumar Wattara (1665-1745), fils de Fatiéba et Matari, fait d’abord son apprentissage à l’école coranique puis se livre au commerce. Père de douze enfants, il installe ses héritiers à des points très stratégiques. C’est ainsi que se dessinent les premières zones d’influence du royaume pour devenir dès 1730, le plus grand État de l’Afrique de l’Ouest.

A la mort de son fondateur, Sékou Wattara, tous les héritiers de Sékou sont nommés princes. Mais même après la mort de leur père, aucun des ces douzes princes ne décide de remplacer leur père à Kong. Restant installés là où on les avait placé, les princes de sang poursuivent la stratégie paternelle, laissant la ville de Kong sans souverain et partant en campagne dans les territoires les plus reculés de la région. 

Pour les accompagner, les Bambadion (Dion = captif), descendants de Bamba, esclave au temps de Sékou. Les Bambadion, accompagnent les Wattara dans leurs campagnes, constituant ainsi une “sorte  de classe guerrière au service de la famille régnante”(2). En plus de ces compagnons de route, les Wattara, en contact direct avec les populations, soumettent les Bambara (3) à leurs ordres, formant ainsi la classe guerrière de Sonangui (4).

Les Sonangui sont donc à l’origine des chefs militaires, des guerriers et détenteurs de pouvoir dans certains villages du royaume Kong. Avec l’influence de cette classe guerrière et de l’islam, les petits groupes ethniques (Fala-fala, Nabè, Myero, ou Gbin) se sont uniformisés au détriment des langues locales. 

 

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Source : inconnue

 

 

Un royaume marchand : les commerçants Dioula

 

Les Dioulas sont, à l’inverse des Wattara et plus largement des Sonangui, des commerçants, à la grande majorité musulmane. 

Malgré leur éducation coranique, ce ne sont pas les princes de sang, héritiers de Sékou, qui ont introduit l’islam dans le royaume mais les Dioula. Si par la force et le pouvoir, les Wattara ont imposé l’islam comme religion du royaume, c’est surtout l’influence des Dioula, passant par le commerce, qui a gagné les populations. “Conquérants pacifiques”, les Dioulas ne prenaient part à la vie du royaume qu’à travers le commerce (aucune implication politique ou guerrière). 

Si la ville de Kong est désertée par les Wattara n’habitant pas le ville et qui de surcroît partent en conquête avec les Sonangui, elle est bel et bien habitée par les Dioulas, qui lui donnent vie à mesure qu’ils renforcent sa position de plateforme commerciale. Réel carrefour, les habitants de Kong ont une activité commerciale centrale pour toute la région. Les liaisons commerciales sont conséquentes sinon nécessaires puisqu’elles permettent l’échange de kola et de sel.

 

En plus d’être des commerçants réputés dans tout le royaume, les Dioulas sont aussi des marabouts très reconnus, faisant l’éducation des enfants dans les cinq mosquées qui habillent la ville. Parmi elle, la grande et la petite Mosquée au style soudanais, seules témoins aujourd’hui de ce qu’a pu être l’empire konga.

Aujourd’hui bourgade de 7000 habitants, il ne reste presque plus rien du royaume d’antan. Évitée par les chemins de fer à l’époque coloniale, Kong est aujourd’hui totalement enclavée à l’inverse de Ferkessédougou à 90km de là, où les chemins de fer ont traversé la ville au moment de l’occupation française. Aujourd’hui, c’est là-bas que prend place le marché, que se bâtissent les immeubles et que passent les routes. 

Ce n’est qu’en 2011, que l’on a pu constater un souffle nouveau dans l’ancien royaume. Descendant de Sékou, le président Alassane Ouattara, promeut sa ville d’origine (bien qu’il n’y ait jamais vécu) au rang de préfecture en 2012. Depuis, travaux de modernisations et infrastructures sont en place dans la petite ville de Kong.

 

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Source : Alamy Stock Photo – Jeune Afrique

(1) BERNUS, E.,(1960). Kong et sa région, Etudes Éburnéennes, p.270 

(2) BERNUS, E.,(1960). Kong et sa région, Etudes Éburnéennes

(3) Population non islamisée

(4) Sonangui vient de “Sounanké”, les gens de Souna, défenseurs de l’Islam. S’il avait tout son sens aux prémisses de la constitution de cette classe guerrière, le terme Sonangui, deviendra une appellation pour  nommer les “mauvais musulmans” tant l’art de la guerre ayant pris le dessus sur l’éducation coranique des nouveaux entrants.

 

Bibliographie

BERNUS, E., (1960). Kong et sa région, Etudes Éburnéennes

KODJO, G. N., (2006). Le royaume de Kong (Côte d’ivoire), des origines à la fin du XIXe siècle, Éditions L’Harmattan, coll. « Études africaines »

TAUXIER, L. et BERNUS, E., (2003). Les états de Kong (Côte d’Ivoire), Éditions Karthala, coll. « Rrelire » 

AFP, Côte d’Ivoire : Kong ou la renaissance de la ville d’origine du président Ouattara, RTBF.be, 18 février 2019 (https://www.rtbf.be/info/monde/detail_cote-d-ivoire-kong-ou-la-renaissance-de-la-ville-d-origine-du-president-ouattara?id=10148793)

SYLVESTRE-TREINER, A., Côte d’Ivoire : Kong, capitale d’un empire disparu devenue le fief électoral d’Alassane Ouattara, 18 Octobre 2018, Jeune Afrique (https://www.jeuneafrique.com/mag/644963/politique/cote-divoire-kong-capitale-dun-empire-disparu-devenue-le-fief-electoral-dalassane-ouattara/)

 

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LABBÉ Morgane, membre active à ESMA et étudiante en Master 2 Relations internationales et action à l’étranger.

 

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