Les bijoux kabyles

Un art et un savoir faire qui défient les siècles

Composés d’argent, colorés d’émail et sertis de corail, les bijoux kabyles sont issus d’un savoir-faire ancestral qui  a traversé les âges. Caractéristique applicable dans tout le Maghreb rural ces bijoux ont pour matière principale l’argent. Connus dans toute l’Afrique du Nord pour leurs couleurs vives et leur design unique, les bijoux kabyles sont un incontournables de l’artisanat et de la culture algérienne. Portés quotidiennement ou lors de grandes occasions comme les mariages ou lors de Lakhthana (circoncision), ces bijoux restent à ce jour très populaires en Algérie. Les orfèvres du village d’Aït-Yenni dans la wilaya (département) de Tizi-Ouzou en Kabylie se sont au fil du temps accaparés le monopole de la production de bijoux.

En effet, les historiens et anthropologues dans leurs études sur l’économie de la Kabylie notamment au XIX siècle ont démontré que chaque village se spécialise dans une production de biens.  Les Aït-Yenni (tribus)” (Alain Mahé Histoire de la Grande Kabylie XIXe-XXe siècles)  et son village homonyme se spécialise dans l’orfèvrerie ainsi que dans l’armurerie. Leurs produits vont dès lors s’exporter dans toute la Kabylie et dans les régions environnantes. Depuis 2003 le village d’Aït-Yenni accueille chaque année l’événement culturel “fêtes des bijoux”. Le gouvernement algérien a  depuis 2015 décrété l’arrêt de l’importation d’argent étranger ce qui a conduit à une augmentation du prix des bijoux.

L’habileté et la renommée des artisans d’Ath-Yenni les ont aussi amenés à se spécialiser notamment au XIXe siècle dans l’armurerie. Plus précisément dans l’ornementation des fourreaux de Flissa (sabre traditionnel kabyle semblable au Yatagan turc) et des Moukhalas (fusils traditionnels Maghrébins), qu’ils recouvraient d’une fine couche d’argent orné de corail rouge taillé finement.

Outre l’aspect ornemental de ces bijoux, certains d’entre eux ont une vocation utilitaire comme les fibules qui servaient autrefois à retenir les robes en divers points, ainsi que les ceintures en argent bien sûr. Certains bijoux ont aussi une dimension symbolique qui est tombée en désuétude de nos jours. En effet, certains bijoux étaient réservés aux femmes mariées comme la fibule ronde qui se porte sur la poitrine. Les bijoux font également partie intégrante du trousseau de la mariée. Un bijou particulier a néanmoins perdu son utilité, il s’agit du Khelkhal, une imposante chaîne de cheville, que les femmes autrefois vendaient en cas de situation économique difficile.  

Comme indiqué précédemment le bijou kabyle est composé de matières minérales (argent et émail) mais aussi animal. Contrairement à la croyance populaire, le corail  n’est pas une plante aquatique, mais un animal. Pour ce qui est des bijoux kabyles il s’agit du corail rouge pêché en Méditerranée qui est utilisé par les orfèvres de Kabylie. L’utilisation du corail rouge dans l’orfèvrerie remonte selon certaines sources à l’Antiquité, et son utilisation est commune pour l’ensemble du bassin méditerranéen. Le corail rouge est très difficile à travailler du fait de sa composition car il ne supporte pas la chaleur ni les divers  acides utilisés en orfèvrerie.

Ce qui fait l’originalité des bijoux kabyles est l’utilisation de l’émail plus précisément les couleurs choisies. En effet, hormis le rouge éclatant du corail, le vert, le jaune et le bleu des émaux donnent aux bijoux kabyle sa spécificité et son charme. D’après  les orfèvres Aït-Yenni le bleu est censé représenter le ciel, le vert la nature, le jaune la lumière enfin le corail (rouge) est censé représenter le soleil (le corail est toujours placé – et ceux dans tous les bijoux kabyle – au centre de la pièce).