Burkina Faso à l’honneur – Point culture

Après avoir épluché le spectre culturel Burkinabè des artisanats, aux danses, en passant par les langues, la faune, la flore, les paysages, les sites touristiques, le religieux, ou encore les différentes traditions, la diversité de la culture Burkinabè nous a donné l’eau à la bouche mais en parlant de tout, nous finirions par parler de rien tant la diversité culturelle qu’abrite le pays est gigantesque. Promouvoir le continent Africain, tel est le projet et la devise d’ESMA. Alors, au lieu de parler d’ un (seul) point culture du Burkina Faso, pourquoi ne pas parler plutôt du Burkina Faso justement comme « point culture » : comme point de rencontre culturel, comme carrefour Africain du septième art ? Dans cette rubrique, nous nous proposerons d’ouvrir une fenêtre sur un festival cher à la capitale Burkinabè depuis 1969, le Festival Panafricain de Cinéma de Ouagadougou (FESPACO).

Le festival biannuel datant d’un demi siècle, a donc été créé à Ouagadougou en 1969 à l’initiative notamment du journaliste et historien Burkinabè François Bassolet, du français Claude Prieux direc­teur du Centre Culturel Français de Ouagadougou, et Alimata Salembéré qui en a été la première présidente en 1969 et 1970.

Le festival a pour objectif principal de donner une assise au cinéma africain en lui servant de tremplin, de façade pour l’Afrique et pour l’international. Il favorise la rencontre, les échanges entre les cinéastes africains et surtout récompense les artistes les plus talentueux au terme d’une sélection féroce, notamment par le prix le plus convoité : l’Étalon de Yennenga (en référence à la princesse Yennenga, mythe de la mère-fondatrice du royaume des Mossi).

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Si à ses balbutiements, le festival se contentait de présenter timidement les films sélectionnés, en 1972 il prend un tournant et s’impose. À cette date, le festival prend sa dénomination actuelle, est placé sous tutelle du ministère de la Culture burkinabè, et devient plus qu’une plateforme de diffusion: un réel concours d’excellence. C’est aussi à cette date que l’on décide d’organiser de façon assez atypique le festival seulement les années impaires.

Le festival, en plus d’offrir un rayonnement culturel au Burkina Faso et de lui conférer un réel soft power qui lui a valu à de nombreuses reprises les qualificatifs de « principal événement culturel africain » ou encore le surnom Ouagawood (1) par les médias du monde, accompagne aussi le jeu des forces politiques nationales. Si les arts ont de tous temps servis comme mode d’expression politique, cet attribut a contribué à faire de « l’ère Sankara » (1983-1987) les années d’apogée du Festival selon Colin Dupré (2) qui analyse les différentes éditions du FESPACO depuis sa création. Cette période est marquée par un anti-impérialisme à la fois présent chez cinéastes mais aussi dans la structuration du paysage culturel Africain et panafricain. Durant cette période hors du commun, le Burkina Faso devient la capitale du cinéma en Afrique avec comme slogan « La caméra au peuple ! ». Le festival prend alors une toute autre envergure en se dotant de davantage de moyens et en parallèle un Marché International du Cinéma et de la télévision Africains (MICA) est créé. Du côté des cinéastes, la politique est au centre  des thématiques, permettant au Burkina Faso de Sankara, selon l’auteur, de mener une diplomatie culturelle révolutionnaire par le FESPACO. C’est aussi lors de ces années, entre 1986 et 1987, que le Monument des Cinéastes Africains est érigé à Ouagadougou sur la place portant le même nom. C’est à la suite d’un concours que la maquette de l’architecte Ali Fao et de l’urbaniste Ignace Sawadogo est retenue pour  « son originalité et pour son architecture futuriste ». Ce monument est composé d’un assemblage de l’attirail du cinéaste (bobines, caméras, objectifs, pellicules), le tout formant un « V » symbolisant la victoire du cinéma africain.

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Si le festival reste aujourd’hui incontournable pour les cinéastes africains leur offrant une certaine assise dans le monde cinématographique et une ouverture sur la concurrence internationale, il subit depuis l’assassinat de Sankara des boycotts par certains cinéastes et un succès en dents de scie du fait de budgets parfois insuffisants malgré l’ouverture à des financements extérieurs à l’Etat Burkinabè. On reproche surtout au festival de se « Canniser » et de ne plus être dans la philosophie qui semble être regrettée de « La caméra au peuple ! » : seul les films en pellicule 35 mm sont acceptés, excluant ainsi de fait les films numériques, les films documentaires sont marginalisés et projetés en dehors de la ville, les projections en plein air qui avaient un grand succès auprès des habitants sont abandonnées, et le festival se transformerait ainsi de plus en plus en sommet mondain. Il est donc reproché au FESPACO de se conformer aux codes des autres festivals internationaux du cinéma et de ne plus être un festival populaire.

Dans son édition de 2013, le FESPACO se régénère face aux critiques qui lui ont été adressées et s’ouvre un peu plus notamment avec « Déclaration solennelle de Ouagadougou » proclamée par 6 pays lors du colloque sur le « Cinéma et politiques publiques en Afrique » qui avait pour objectif de redonner une « force de frappe » au cinéma africain en définissant notamment comment il pouvait s’épanouir par une coopération intra-africaine accentuée. Le FESPACO s’ouvre alors aux films numériques, double les primes pour les lauréats et est surtout marqué par l’entrée officielle des films de la diaspora africaine dans la compétition.

Pour fêter son cinquantième anniversaire en 2019, le FESPACO organise à l’occasion de cette 26e édition un atelier de réflexion sur la « vitrine culturelle de notoriété internationale et plateforme promotionnelle par excellence des cinémas d’Afrique et de sa diaspora » (3), avec pour objectif principal de « dégager des perspectives pour une meilleure organisation des futures éditions ».

FESPACO

(1) Contraction entre « Ouaga » et « Wood » (comme dans Hollywood ou Bollywood) utilisé en premier par journalistes de la BBC (http://www.bbc.co.uk/worldservice/specials/1551_whatisfespaco/page5.shtml) et qui sert aujourd’hui de surnom à l’industrie cinématographique africaine, dont les films sont présentés à Ouagadougou lors du FESPACO :

(2) Forest, Claude. « Colin Dupré. Le Fespaco, une affaire d’État(s) », Afrique contemporaine, vol. 244, no. 4, 2012, pp. 151-152.

(3) https://www.fespaco.bf/fr/46-actualites/316-atelier-international-de-reflexion-sur-le-cinquantenaire-du-fespaco

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