Les larmes du Leopard

Les larmes du Leopard (1)

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En 1989, la chute du mur de Berlin amorce la déclin de l’empire soviétique et la fin de la guerre froide entre les deux blocs idéologiques. Le « royaume du Zaïre » fut rapidement bouleversé par les secousses de la chute du mur de Berlin. Au-delà de l’institution de président de la République, Mobutu fut aussi considéré de manière honorifique comme le roi du Zaïre, le président-fondateur et le maréchal. Roi du Zaïre, il régnait en monarque avec une cour ethnique (Nguandi, la province de l’Equateur) plus influente que les instituons officielles de la République. Depuis 25 ans, le Léopard du Zaïre, Mobutu Sese Seko, dirigeait son pays selon un principe sacro-saint : « une nation (Zaïre), un parti (Mouvement populaire de la Révolution) et un chef (Mobutu). Lors de ses différents discours, le président fondateur se distinguait par son éloquence singulière et sa capacité à fédérer son pays autour de son leadership. En effet, les discours du maréchal Mobutu furent des moments particuliers durant lesquels le léopard faisait la démonstration de son pouvoir. Le léopard laissait rarement apparaitre ses émotions et son attachement à ses différentes fonctions. Durant son règne, le roi du Zaïre s’était élevé au titre de vicaire de Dieu sur terre : « Mobutu le créateur ».

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Le 24 avril 1990, le léopard rassemble ses courtisants, la presse et les diplomates pour un discours majeur dans le palais de la Nsele à Kinshasa. En accueillant son chef par des chants élogieux, les dignitaires et les courtisants du régime s’attendaient à un discours classique du maréchal annonçant des mesures face aux manifestations des opposants. Tout au long de son discours, le maréchal revient sur l’évolution de la scène politique au Zaïre depuis sa prise de pouvoir en 1967. Plus intrigant, le roi du Zaïre parlait de son pays sans mentionner sa propre situation. En évoquant brièvement les bouleversements sur la scène internationale en 1990, Mobutu surprend l’auditoire en annonçant le début de la démocratisation par le multipartisme. Dans le royaume du léopard, le multipartisme remettait en cause le principe fondateur de la nation zaïroise : « une nation, un parti et un chef ».

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La première victime de cette annonce majeure fut le léopard. En annonçant la mise en place du processus démocratique, le président-fondateur arrêta brusquement son intervention et garda le silence durant des longues secondes. Tête baissé et les yeux en larmes, Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga reprit son propos avec une phrase mémorable qui demeura dans l’Histoire récente du Zaïre (actuel République démocratique du Congo) : « Comprenez mon émotion !». Sous une pluie d’acclamations, le léopard cessa d’être le chef du du royaume en versant des larmes de désespoir. Les larmes marquèrent ainsi la fin d’un mythe, d’un règne de Sese Seko (règne éternel), d’un principe d’Etat et la fin d’un homme. Cependant, Mobutu gouverna encore le Zaïre pendant 7 ans en bloquant le processus démocratique amorcé par la conférence souveraine du cardinal Mosengwo. Mobutu fut finalement écarté du pouvoir en mai 1997 par une « rébellion zaïroise », aux couleurs rwandaises, qui débuta dans la province du Kivu à l’Est du Zaïre (région des Grands Lacs). Au-delà de l’époque, les larmes du maréchal Mobutu annoncèrent l’abime vers lequel l’ancien Congo Belge se dirigeait en ce début du XXIè siècle.

(1) L’annonce du 24 avril 1990 : https://youtu.be/1nTfCZfMO9Q

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