En novembre 2018, le rapport « Savoy-Sarr » est publié sous la demande d’Emmanuel Macron qui demande à Bénédicte Savoy et Felwine Sarr de réfléchir sur la question de la restitution des œuvres d’art africaines. Emmanuel Macron déclare par la suite qu’il souhaiterait que « d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Cette question est épineuse et renvoie indiscutablement au fait colonial. Les œuvres d’art africaines sont estimées au nombre de 90 000 dont les trois quarts se situent au musée du Quai Branly. Toutefois, les enjeux juridiques ne sont pas à négliger. En effet, rappelons que les biens culturels africains que la France possède font partie de patrimoine national et sont ainsi protégés par les principes de l’insaisissabilité, inaliénabilité et imprescriptibilité. Une modification du code du patrimoine est donc attendue afin que cette entreprise de restitution puisse se faire en toute légalité. D’ailleurs, lorsqu’une sénatrice a présenté un projet de loi en 2008 afin de restituer les têtes maories à la Nouvelle Zélande, le ministre de la culture actuel rappelait que l’intérêt mis en jeu de restituer ces biens sacrés était plus important que la loi. On peut estimer que la France poursuivra sur cette lignée pour ce qui est du continent africain. Les enjeux patrimoniaux sont présents du côté de la France et de l’Afrique mais il parait que les prétentions africaines sont plus légitimes. Les deux professeurs réaffirment qu’une réparation (ici la restauration) survient nécessairement lorsqu’un préjudice a été causé, soit ici, la spoliation des peuples colonisés. La relation que les populations africaines tiennent avec eux relèvent de pratiques niées et d’une identité culturelle propre qui ne peut se communiquer. Les œuvres restituées pourraient être préservées dans de nombreux musées nationaux africains construits après l’indépendance. Le Bénin, qui a demandé la restitution de vingt six objets en bronze, a pour projet de construire de nouveaux musées consacrés à la civilisation africaine. Dans certains pays comme le Tchad, l’enjeu est autant symbolique que pratique : la restitution est une opportunité pour diversifier la collection permanente et permettre aux visiteurs de découvrir des œuvres inédites. Le 6 novembre 2018, Dakar inaugure à son tour le musée des civilisations noires.
Si la restitution des biens culturels africains en Afrique est symbolique, elle peut avoir un véritable enjeu diplomatique. En effet, au-delà d’une réappropriation culturelle, il serait tout à l’avantage de l’Afrique de s’ouvrir au monde par la promotion de ses biens et faire connaître ses œuvres à travers le monde par des partenariats avec différentes institutions étrangères. D’ailleurs, sur le site du ministère français de la culture on peut trouver cette affirmation éclairante : « Les prêts et les dépôts d’œuvres d’art répondent à un enjeu de connaissance et à une exigence d’accès partagé à la culture. A ce titre, ils font partie des missions fondamentales et historiques des musées. »
Nouvelle inédite et bienvenue, le Collège de France consacre une chaire à l’histoire du continent africain du nom d’«Histoire et archéologie des mondes africains » dont la leçon inaugurale est donnée le 26 septembre 2019. Cet établissement, construit sous François Ier et situé à Paris, est un établissement d’enseignement et de recherche des plus prestigieux. Confiée à François-Xavier Fauvelle, la chaire en question aura pour but de dispenser des cours d’histoire de l’Afrique médiévale accessibles à tous à raison d’une heure par semaine. Il informe : « Cela veut dire que quelque chose bouge dans nos perceptions, que nous ne soyons plus à une époque où l’on peut encore penser et dire qu’il n’y a pas d’Histoire sur le continent africain, ou qu’elle ne serait pas faisable ». On peut, en effet se réjouir du fait que toute une idéologie s’effondre et qu’un monde où la conception largement répandue qui véhiculait une histoire démarrée à l’ère coloniale s’ébranle. Soucieux d’apporter une histoire purifiée des grilles de lecture occidentales, le chercheur mène un travail patient et approfondi en mettant grandement à profit l’archéologie. L’histoire médiévale africaine ainsi consacrée et reconnue au sein d’une chaire spécifique dans ce fameux établissement retrouve sa légitimité et sa singularité. En mettant la lumière sur une histoire niée, François-Xavier Fauvelle fait parfaitement honneur à la devise du Collège de France Docet omnia (“tout doit être enseigné”).
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