L’architecture traditionnelle bamiléké
Les Bamilékés sont un groupe socioculturel d’Afrique centrale, vivant dans la région de l’Ouest du Cameroun dans le dit « Pays bamiléké », une vaste région de savane des hauts plateaux volcaniques du Grassland.
Les chefferies traditionnelles représentent des micro-États ou des États vassaux d’États pré-coloniaux, dans lesquels règnent les « fo’o » (signifie « chef supérieur » en français), de premier, second ou troisième degré selon leurs importances territoriales ou historiques. Elles sont, non seulement, leurs lieux d’habitation mais aussi des lieux clé de la vie culturelle du Cameroun. Les chefferies se composent de plusieurs bâtiments dont l’architecture fait, entre autres, leur renommée.
Ainsi, dans le cas du pays bamiléké, cette architecture fait face un défi : comment allier tradition et modernité ?
Le regretté chef supérieur Bandjoun Joseph Nkwi Ngnié Kamga et ses sujets
Les chefs traditionnels bamilékés ont des pouvoirs étendus sur le plan administratif mais également économique, politique et religieux. Ils établissent un lien direct entre les populations locales et le gouvernement camerounais et exercent une autorité sur elles.
Accompagnés de leurs femmes et serviteurs, ils vivent au sein de la chefferie dont l’architecture des bâtiments qui la composent suit des règles strictes basées sur la cosmogonie bamiléké. En effet, le peuple bamiléké croit en une puissance ou encore un esprit qui s’exprime dans toutes les créatures humaines et lui donne le nom de “Sî”.
Le chef réside au sein d’un grand bâtiment dont le nom varie dans les différentes chefferies (mbodyè à Bandjoun, Vhondieu à Batoufam, ntcheung à Bapa, nda ntchong à Bafoussam, menemou à Baham, Ndah Nemoh à Baleng, Lachum a Bafut, Njiaouh à Mankon, Ifueng à Babungo, Ndoilah à Kom, Lav wong chez les Nso) et dont la hauteur s’élève à près de 30 mètres.
Le savoir-faire traditionnel matérialise, à travers l’architecture de la Grande Case, l’histoire, les symboles et les croyances communes du peuple bamiléké.
Les bâtiments sont constitués de plusieurs parois, construites avec des tiges de raphia superposées verticalement et horizontalement et de chaume, en formant un carré.
Ces dernières sont surmontées de toitures pyramidales (appelées localement toits coniques) recouvertes de paille. Qu’il s’agisse des murs ou des parois, ceux-ci sont d’abord construits séparément à terre par des architectures spécialisées et des sculpteurs de bois puis mis ensemble.
Chefferie de la ville de Bandjoun, Ouest
Une seule ouverture rectangulaire, qui fait office de porte et de fenêtre, est créée à environ 50 cm de hauteur. Un encadrement de bois, représentant des animaux totémiques et des hommes emblématiques de la chefferie, est sculpté autour de l’ouverture s’il s’agit de la case d’un personnage important. Le groupement de toutes les cases forme la chefferie.
Chefferie de la ville de Bandjoun, Ouest
Le Grande Case est une sorte de temple sacré ayant plusieurs fonctions qui varient selon les chefferies. Ainsi, elle peut être un lieu de réunions du chef et son assemblée de notables ou encore un lieu de rites et de sacrifices et parfois de sépulture du chef. Traditionnellement, l’importance du chef peut être mesurée par la grandeur de l’édifice ainsi que les détails qui décorent les murs.
Les chefferies bamiléké sont toutes, à quelques exceptions près, conçues sur le même modèle. Une partie est visitable, on trouve généralement un musée dont la collection présente plusieurs objets représentatifs du patrimoine culturel et artistique de la ville (trônes royaux, masques et objets perlés, étoffes à motifs traditionnels).
La chefferie Bandjoun est à ce jour l’une des belles et imposantes chefferies de la région.
Chefferie de la ville de Bafoussam, Ouest
Après le contact avec les Occidentaux, cette architecture a su intégrer des éléments modernes tout en conservant son authenticité. Dans le cas précis de la Grande Case, certains piliers ont été renforcés avec du béton armé.
L’art sculptural bamiléké constitue un véritable vecteur d’identité culturelle et reflète l’organisation socio-économique, politique et religieuse de tout un peuple. Chargé de sens et de valeurs, il allie tradition et modernité.
Il n’existe pas d’œuvres similaires dans le monde mais l’on peut néanmoins établir une comparaison entre la Grande Case et les palais royaux d’Abomey, au Bénin, qui présentent également des bas-reliefs. Ces derniers font référence à des événements importants de l’évolution de l’histoire du royaume depuis le XVIIème siècle.

SIMO Diane
Étudiante en L2 Gestion à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Bibliographie
Décret 77/245 du 15 juillet 1997 – JOC 01/08/1977
MALAQUAIS Dominique. (2002). Architecture, pouvoir et dissidence au Cameroun. Karthala
PERROIS Louis, NOTUÉ J.P. (1997). Rois et sculpteurs de l’Ouest Cameroun : la panthère et la mygale. Ostrom
Ministère des Arts et de la Culture, (2018), La Grande Case dans la Chefferie traditionnelle des Grassfields
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